La grand-mère paternelle de Charles Aznavour

Charles Aznavour en concert à Deauville en 1988.
Charles Aznavour en concert à Deauville en 1988.

Le père de Charles Aznavour se nommait Mamigon (aussi surnommé Mischa) Aznavourian, artiste dramatique, musicien, chanteur baryton, serveur, restaurateur, arménien né le 26 mai 1897 à Akhaltzikhé (actuelle Géorgie, alors en Russie) et décédé à Paris XVe, le 3 juin 1978.

D’après l’acte de notoriété demandé par Mamigon et Knar, la mère de Charles, le 19 septembre 1947 – pour combler l’acte de mariage conclu à Izmir et qu’ils disaient lacunaire – le père de Mamigon se nommait Missak Aznavourian et sa mère Haïganouchi Soudjian[1]. D’après l’acte de décès de Mamigon Aznavourian, sa mère s’appelait Aikanouche Soudjian, donc ce fait semble bien établi – excepté une petite variation sur l’orthographe, mais cela donne une bonne idée de la prononciation.

D’après les dires familiaux, Missak Aznavourian aurait quitté femme et enfants en Asie Mineure, et aurait émigré à Paris en compagnie de Lisa, une Allemande qu’il aurait emmenée avec lui depuis la Turquie, et avec qui il se serait établi à Paris avant d’y ouvrir un restaurant[1]. Si on ignore les dates précises de leur arrivée à Paris, on trouve néanmoins bien trace de ce couple, domicilié au 3 rue Champollion en 1926, à l’adresse où se trouve le restaurant dont ils s’occupent et dont Missak avait acheté le fonds de commerce en novembre 1924[2]. Si on connait un peu l’histoire de Missak et de sa compagne Elisabeth (c’est le prénom trouvé dans les recensements de 1926 à Paris et de 1931 à Enghien-les-Bains), ce que l’on connait un peu moins c’est ce qu’il est advenu de la mère de Mamigon.

Arbre Simple Aznavour
Arbre généalogique de Charles Aznavour jusqu’à ses grands-parents. Sa grand-mère paternelle est-elle Haïganouche Soudjian, arménienne de Turquie ayant passé 20 ans dans la capitale parisienne, ou alors est-ce la dame de 96 ans restée en Arménie que Charles Aznavour y a rencontré le 8 mars 1964 (aussi née en 1867) ?

Selon Charles Aznavour, Haïganouchi avait 96 ans quand il l’aurait rencontrée à Erevan le 8 mars 1964 (donc née avant le 8 mars 1868, plutôt donc en 1867)… Mais certains des observateurs de l’époque ne semblaient pas convaincu par la véritable identité de cette vieille dame qu’il y a rencontré, du fait du comportement un peu distant de la vedette. Il se pourrait qu’il s’agisse en réalité d’une grand-tante, ou d’une cousine restée au pays. Ainsi, chaque histoire ayant un fond de vérité, on peut admettre que la grand-mère paternelle de Charles Aznavour s’appelait bien Haiganouche Soudjian et que son âge potentiel était correct (née en 1867), d’une famille arménienne.

Quelle ne fut pas ma surprise en cherchant cette personne, pour vérification, dans les tables journalières des inhumations parisiennes… En effet, au cours de la recherche sur Elisabeth l’Allemande (Elisabeth Bier/Christof, le patronyme n’étant pas garanti) dont on ignore toujours l’état civil, les imprécisions concernant les orthographes des patronymes arméniens, les mystères autour de la famille du chanteur, méritaient les vérifications qui sont d’usage dans une recherche généalogique remplie d’inconnues et de mythes fondateurs. Une certaine Haiganouche Soudjian, célibataire, 78 ans, domiciliée à Paris 20e, à été inhumée le 9 juillet 1945 au cimetière de Pantin[3]…

Célibataire, 78 ans, voilà qui est peu commun… Elle a été transportée au cimetière depuis son domicile en 8e classe (sur 9 classes, la première classe étant la plus chère) par les pompes funèbres payantes. Le fait que le transport était payant indique déjà qu’elle n’était pas indigente (le transport de défunts indigents étant gratuit). Néanmoins elle ne semble laisser aucune succession[4].

En approfondissant la recherche, on découvre qu’elle est arménienne, née le 25 mars 1867 à Erzéroum (Turquie), et présente dans le 20e arrondissement de Paris, au 4 rue Jouye-Rouve, depuis au moins 1926 et jusqu’à son trépas[5]. Elle n’y vit pas seule mais avec une parente Satenik (mentionnée en 1926, 1931 et 1936[6]), beaucoup plus jeune qu’elle, et exerçant la même profession de couturière. Le 11 novembre 1929, Mlle Haiganouche Soudjian se voit même remettre, en compagnie d’autres “demoiselles” mais aussi de mesdames d’origine arménienne, un « prix de vertu » d’une valeur de 2000 Francs par une association arménienne, pour avoir réussi à subvenir aux besoins de sa famille (Satenik?) depuis qu’elle a été « transplantée en France sans ressources » et qu’elle a « fait preuve des meilleurs vertus de (sa) race, en faisant vivre sa famille par un travail assidu, sans avoir recours à des tiers » [7].

Aïda, la sœur de Charles Aznavour, indique dans son livre “Petit Frère”, qu’ils étaient cinq enfants dans la fratrie de son père : quatre filles et un garçon, son père Mamigon. Elle écrit aussi que l’aînée des quatre filles se prénommait Astrik et que cette dernière était passée avec son époux à leur domicile de la rue de Monsieur-le-Prince (où ils habitaient au moins entre 1924 et 1926) pour faire de la musique. En 1926, au domicile de Missak le grand-père, on trouve une certaine Astgik, désignée comme sa fille, avec le patronyme Géramian (Yéramian?). Ce devait donc être la fameuse tante Astrik, Géramian (Yéramian) étant son nom marital.

Mais plus intéressant, au recensement d’Enghien-les-Bains de 1931, Missak déclare trois filles, alors absentes au passage du recenseur, mais déclarées donc comme y étant domiciliées. Avec les prénoms déformés Astlise (Astgik de 1926), Roussiak (Aroussiak) et Chanchanis (Chouchanik). En sachant qu’une jeune femme célibataire Satenik était présente au domicile d’Haiganouche Soudjian sur la période 1926-1936 au moins, n’avons-nous pas alors exactement une répartition des quatre filles du couple, 3 filles chez le père Missak et 1 fille chez la mère Haïganouche, époux alors séparés ?

Arbre Descendance Missak
La quatrième fille de Missak ne serait-elle pas Satenik, qui vit seule avec sa mère Haïganouche Soudjian dans la capitale parisienne

Nul doute que la famille de Mamigon Aznavourian, si elle avait été mise au courant de la présence de leur grand-mère (séparée de leur grand-père) dans la capitale, aurait eu la joie de la retrouver, et aurait été heureuse qu’elle s’en sorte si bien. Peut-être que certains membres de la famille étaient au courant et que malgré tout il fallait préserver ces informations (par honte, par pudeur, par crainte de ternir la carrière de Charles), maintenir la tradition que leur grand-mère était restée en Asie Mineure ? Peut-être qu’il ne s’agissait que d’une homonyme après tout ? Chacun pourra en faire son avis.

On ne retrouve pas trace des quatre filles dans la capitale par la suite. D’ailleurs si elles étaient restées, cela aurait été plutôt à elles de s’occuper de leur père Missak et non pas à Knar, Mamigon devant être sa seule famille restante en région Parisienne. Sans doute étaient-elles retournées en Asie Mineure, à Erevan. Déjà avant-guerre, et surtout en 1936, s’organisait en France, un retour au pays de la diaspora arménienne, un peu comme ce qu’il s‘était passé également pour les juifs avec Israël. Trois des quatre sœurs de Mamigon ont pu prendre ce chemin. Mais Mamigon, avec les projets artistiques d’Aïda et de Charles débutés dès 1934, ne pouvait s’y résoudre. Au fil des années, leur liens avec la France étaient sans doute devenus plus solides que pour les autres membres de la famille Aznavourian.

En 1951, Charles, au tout début de sa carrière solo, quand il n’était pas encore célèbre en Europe, indique dans un courrier pour Aïda, qu’il venait d’écrire à la famille en Arménie. Faut-il croire à des liens gardés pendant toutes ces trente dernières années ou une subite envie de renouer ? Ou alors les sœurs de Mamigon étaient-elles retournées au pays seulement une quinzaine d’années auparavant (1936) voire peut-être en 1947, année ou une autre émigration des Arméniens de France vers l’Arménie a eu lieu ? Une histoire familiale bien complexe. Quant au côté maternel, du côté de Knar, la mère de Charles, des liens plus solides avec des cousins germains (ou plus éloignés encore), aussi survivants du génocide arménien de 1915, ont servi de point de repère à la famille de Charles Aznavour.

Il faut bien comprendre que ces recherches sur la grand-mère paternelle de Charles Aznavour se basent sur des hypothèses, que les héritiers Aznavour pourront confirmer ou infirmer, s’ils le souhaitent. Dans le cas où ces mêmes héritiers souhaiteraient approfondir les recherches pour y voir plus clair, je me tiens à leur disposition pour les y aider.

 

Photo par Roland Godefroy — Travail personnel, CC-BY-SA


[1] Robert Belleret: Vie et légendes de Charles Aznavour, 2018.

[2] Le restaurant au 3 rue Champollion, dans le quartier latin, semble être au nom de la compagne de Missak, Christof (annuaire du commerce Didot-Bottin, 1921 et 1922, dans l’édition de 1925 il est au nom de Mme Driessens). Une certaine Elisabeth Christopher est citée par Charles Aznavour dans l’ouvrage de Robert Belleret (op. cit.), comme étant la compagne de son grand-père paternel Missak Azna(v)ourian, cuisinier de son état. Missak acquiert le restaurant à son nom en novembre 1924 et le revendra en février 1935.

[3] Registre journalier des inhumations au cimetière de Pantin. Numéro d’ordre 2858. Acte en mairie n°2105. Date d’inhumation 9 juillet 1945. Défunt : Soudjian Haïganouche, 78 ans, décédée dans le 20e arrondissement. Situation de la sépulture : Hytchkijian / (division) 50 (ligne) 6 (numéro) 9. (sans autres commentaires)

[4] Table des décès de l’administration de l’enregistrement : l’entrée la concernant indique les mêmes nom et prénom que l’acte de décès de l’état civil, et aucune référence vers une éventuelle succession n’y est mentionnée.

[5] État civil de Paris, 20e arrondissement. Registre des décès de l’année 1945, Acte n°2105. “Le cinq juillet mil neuf cent quarante cinq, six heures trente, est décédée en son domicilie, 4 rue Jouye Rouve – Haïdanouche SANDJIAN, née à Erzeroum (Turquie) le vingt cinq mars mil huit cent soixante sept, sans profession, fille de Krikor SANDJIAN et de Kazazian PEPROUCE époux décédés; célibataire. – Dressé le cinq juillet mil neuf cent quarante cinq, quatorze heures, sur la déclaration de André CHAUVET, trente six ans, employé 10 place Gambetta qui, lecture faite, a signé avec Nous, Alexandre TARD, adjoint au maire du vingtième arrondissement de Paris/B”

[6] – Recensement 1926 au 4 rue Jouye Rouve, ménage : Soudjian Haiganouch, née en 1872, arménienne, chef de ménage, couturière. Soudjian Satenick, née en 1896, arménienne, parente, couturière.
Recensement 1931 au 4 rue Jouye Rouve, ménage : Soudjian Satenik, née en 1905, arménienne, célibataire, chef de ménage, couturière. Soudjian Haiganouche, née en 1878, arménienne, célibataire, amie, couturière.
Recensement 1936 au 4 rue Jouye Rouve, ménage : Soudjian Haiganouche, née en 1867, Turquie, célibataire, chef de ménage, tresseuse chez Garby dans le 19e. Soudjian Satenik, née en 1891, Turquie, célibataire, soeur, tresseuse cez Garby dans le 19e.

[7] Journal “Le Foyer. Organe des Arméniens réfugiés en France”, édition du 1er décembre 1929, page 3.

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Un bloc armorié princier à Steinseltz

BlocArmorieSteinseltz
Photographie montrant l’objet de cette étude, un bloc armorié arborant le triple écu quelque peu tronqué sur trois de ses côtés et surmonté d’une figure angélique tenant en chef, les deux écus supérieurs. Dimensions : 68 x 32 cm. L’épaisseur n’est pas connue, probablement une quinzaine de centimètres. Le relief des écus est de 29mm.

Il y a quelques années, mon frère Raphaël, demeurant à Steinseltz, m’avait évoqué l’origine quelque peu mystérieuse du bloc armorié intégré dans la façade de son habitation. Il m’a paru très intéressant de percer ce mystère, de découvrir son origine et son parcours au fil du temps.

En premier lieu, il était important d’identifier les trois écus. Le Service de l’Inventaire du Patrimoine culturel de la Région Alsace indiquait en avoir déjà identifié deux, en 2000 : « 3 écus : l’un portant les armoiries de Spire, le deuxième celles du chapitre de Wissembourg, le troisième, portant une bande et dont le tiers inférieur a disparu, n’est pas identifié». Il indique par ailleurs une estimation de datation, qui servira de bonne base par la suite : « Fragment d’un relief datant probablement du 17e siècle dont l’origine est inconnue».

Dans un second temps, il a fallu savoir qui avait intégré ce bloc en grès dans le mur de l’habitation. Mon frère avait obtenu l’information suivante, d’une personne qui s’était déjà renseignée auparavant (on ignore si la source originelle était l’un des propriétaires précédents ou un autre habitant de Steinseltz) :

« Cette sculpture a été amenée par l’épouse du Maire Rupp, c’est un souvenir de la famille de cette femme, qui était originaire d’Altenstadt. »

Identification des armoiries

Ce bloc armorié est très probablement un élément décoratif dédié à un prince-évêque de Spire, alors aussi prévôt du chapitre de Wissembourg depuis 1552, et jusqu’en 1809. En effet, nous avons bien un écu correspondant à l’évêché de Spire et un second au chapitre de Wissembourg (crosse abbatiale traversant l’écu). Par ailleurs, le matériel lapidaire dont dispose la ville de Wissembourg concernant les chanoines de ce chapitre, même les plus réputés, ne comportent qu’un unique écu, personnel, jamais surplombé par les deux écus prestigieux. Un faisceau d’indices nous met ainsi sur la piste d’un personnage bien plus important, le prince-évêque de Spire, prévôt du chapitre de Wissembourg. Ci-dessous, dans la même disposition que sur la sculpture :


Figure 1. Liste des douze princes-évêques de Spire, prévôts du chapitre de Wissembourg (1546-1810), accompagnés de leurs armoiries personnelles, depuis Philippe de Flersheim, prince-évêque de Spire, premier évêque-prévôt du chapitre de Wissembourg, mort en 1552. Ce dernier a succédé au premier prévôt du chapitre (aussi dernier prince-abbé) Rüdiger Fischer, de «basse extraction». Il y a deux écus à première vue compatibles avec le troisième écu du bloc armorié de cette étude.


En observant les écus des douze prince-évêques (Fig.1), la bande étant en diagonale sur la sculpture, seuls ceux de ces deux princes-évêques pouvaient correspondre : Marquard de Hattstein (1560-1581) et François-Christophe de Hutten (1743-1770).

Il a fallu donc voir plus en détail le descriptif de leurs armoiries. Celles de l’évêque François-Christophe de Hutten sont «de gueules à deux bandes d’or»(1). On retrouve le blasonnement complet incluant les armoiries de Spire et du chapitre de Wissembourg sur un tonneau ayant appartenu à cet évêque (Fig.2). En observant ce montage d’écus, il y en a bien trois, et il appartient à un évêque, ce qui renforce la première intuition. On remarque aussi qu’il n’y a pas de créneaux entre les deux tours sur l’écu de la prévôté de Wissembourg mais le pignon d’un toit, contrairement aux créneaux présents sur le bloc armorié en grès. En outre, il y a une inversion des couleurs rouge et argent sur cet écu, ce qui parait un peu étrange.

Les armoiries de l’évêque Marquard de Hattstein, quant à elles issues de son sceau de 1560 sont «de gueules à trois bandes d’argent». En outre, on retrouve sur ce sceau également une figure angélique (deux anges) et trois écus (l’évêché de Spire, le chapitre de Wissembourg et les armoiries personnelles), comme sur le bloc armorié(2). Le florin en or (Fig.3), la médaille en argent (Fig.4) ainsi que le blason dessiné de la Fig.1, sont bien directement rattachés à la personne de Marquard de Hattstein. La médaille fut frappée en l’honneur de sa nomination à la haute-juridiction de la chambre impériale à Spire (1570). Cela ressemble énormément à la sculpture… De même pour le florin en or frappé en 1574.

Sur la médaille et le florin en or, on voit trois bandes en relief, et trois bandes dans le support, qui correspondent respectivement à la couleur argent (en relief comme le métal argent) et à la couleur gueule (rouge, le support donc), soit six bandes au total.

De même pour l’écu de l’évêché de Spire, sur la médaille en argent, la croix d’argent est également en relief, ce qui confirme que le relief du matériau argent suit la couleur argent de l’armoirie. Idem sur l’écu du chapitre de Wissembourg, les tours d’argent sont aussi en argent dans le relief de la monnaie. Ici on distingue bien les créneaux entre les deux tours sur la pièce en argent.

Voici le résultat (Fig.5), après passage d’un calque sur l’écu. La partie supérieure correspond à ce qui est visible sur la sculpture. La partie basse est une extrapolation. L’épaisseur des deux bandes visibles étant la même, nous avons pris la même pour les autres bandes. On constate qu’il y aurait six bandes en tout, ce qui semblerait indiquer qu’il s’agit plutôt de l’écu de Marquard de Hattstein, étant donné que l’écu de l’évêque François-Christophe de Hutten ne comporte que cinq bandes. Quant aux reliefs du bloc armorié, ils correspondent aux reliefs des pièces de monnaie du prince-évêque Marquard de Hattstein et non pas aux reliefs en bois du tonneau de Hutten où les bandes couleur « or » émergent, et non les bandes rouges (coin supérieur droit notamment).

Enfin, l’analyse des armoiries liées à l’abbaye de Wissembourg par un membre de la société d’histoire de Wissembourg de l’époque de Stiefelhagen (début 20e siècle) confirme l’analyse : l’armoirie officielle de l’évêque François-Christophe de Hutten ne comporte pas de créneaux entre les deux tours(3), à contrario des armoiries de l’évêque Marquard de Hattstein, qui conviennent parfaitement. Par conséquent le bloc armorié se rapporte bien au prince-évêque Marquard de Hattstein.

Origine du bloc armorié

Il y avait plusieurs maires Rupp à Steinseltz, notamment Georges Rupp (1928-1990), son père homonyme Georges Rupp (1901-1962) éminent homme politique de l’arrondissement de Wissembourg, qui est né dans cette maison « armoriée » et qui a donné le nom à la rue où se trouve cette maison, et enfin le père de ce dernier Henri Rupp (1867-1924), maire à partir de 1908.

Henri Rupp avait épousé Caroline Greiner, originaire de Niederbetschdorf. Le maire Georges Rupp (fils), lui, s’était marié avec une jeune femme native de Kuhlendorf, Renée Linger. C’est le maire Georges Rupp père (1901-1962), qui a attiré notre attention, car il avait épousé en 1924 à Steinseltz, peu après le décès de son père Henri, Hedwige Biehler (1900-1995). Cette dernière est effectivement née à Altenstadt, d’une famille de meuniers originaires de Kandel (Palatinat) qui était propriétaire du moulin de Saint-Rémy, ban d’Altenstadt, depuis environ 1863-1866(4). Depuis 1504, Steinseltz est sous la coupe des Deux-Ponts et cela jusqu’à la Révolution. Le bâtisseur de la maison, en 1779, encore à cet endroit en 1792 (dates portées), était un certain Martin Wenner, protestant. Le lien avec la prévôté de Wissembourg ou l’évêché de Spire avait immédiatement paru étrange, ce bloc armorié semblait dès le départ venir d’ailleurs.

Il faut savoir aussi que l’Ortsgeschichte de Steinseltz(5), établie par l’instituteur du village en 1908, bien que mentionnant des sculptures sur grès ornant les datations des maisons, ne mentionne aucunement ce bloc armorié. Il n’aurait pourtant pas dû passer inaperçu et aurait dû être relevé ce qui signifie qu’il n’était alors sans doute pas encore visible et aurait été intégré postérieurement à la rédaction de ce texte de juin 1908, accréditant davantage la source orale, qui indique que l’oeuvre venait de la famille de l’épouse du maire Rupp, originaire d’Altenstadt, plus précisément du moulin de Saint-Rémy.

Histoire du moulin de Saint-Rémy

Intéressons-nous donc un peu à l’histoire de ce moulin. Celle-ci a toujours été fortement liée à l’histoire du château (puis fort) de Saint-Rémy, qu’il desservait probablement depuis ses origines. Château et moulin faisaient partie du bailliage de Saint-Rémy, avec également les trois villages environnants de Kapsweyer, Steinfeld et Kleinsteinfeld. En 1504, le bailliage fut rendu intégralement par l’Empereur Maximilien Ier à son premier détenteur, l’Abbaye de Wissembourg, après quelques siècles troublés principalement par le puissant électeur palatin voisin. Le village de Schweighofen, pourtant tout proche, faisait quant à lui partie du second bailliage de la prévôté, celui d’Altenstadt(6). Depuis cette année 1504, le seigneur du bailliage de Saint-Rémy était donc le prince-abbé de Wissembourg, en l’occurrence Rüdiger Fischer, qui devint prévôt du chapitre de Wissembourg à partir de la sécularisation de l’abbaye (1524). Le château fut érigé en 1385 par l’abbé Hugues de Nohfelden, comme l’atteste un autre bloc armorié conservé au Musée Westercamp(7), et peut-être que le premier moulin avait été construit à peu près en cette fin de 14e siècle. Quoiqu’il en soit, sa présence est attestée un siècle plus tard : dans la nuit du 17 janvier 1470, on incendia le moulin de Saint-Rémy, pour empêcher les paysans des environs d’y moudre et au retour on pilla le village de Schweighofen(8). Le 6 mai 1525, lors de la révolte des Rustauds, Saint-Rémy fut pillé et incendié (on imagine que cela concernait aussi bien le château que le moulin). Le château servit ensuite de refuge pendant la Guerre de Trente-Ans. En 1703, le château de Saint-Rémy fut à nouveau détruit lors de la guerre de Succession d’Espagne avant d’être reconverti en fort par Villars en 1706 ; le moulin a pu à ce moment-là également pâtir de cette guerre. Nous disposons d’un plan très précis du site de Saint-Rémy en 1775. On y voit un moulin fonctionnel et intégré dans le fort et les lignes de la Lauter (Fig.6 et 7).

Après la Révolution, c’est Michel Graff, né en 1762 à Leiterswiller, de religion réformée, qui prit en charge le moulin (depuis environ 1798), puis son fils Philippe Graff en 1822. Philippe Graff, une fois veuf, se remaria en 1830. La même année, le fort de Saint-Rémy fut démantelé, « entièrement rasé » dira l’érudit et contemporain Jean Rheinwald. En avril 1985, René Schellmanns écrira encore : « Toujours opérationnel au 18e siècle, [le château] n’a été définitivement détruit et rasé au niveau supérieur des douves ou fossés qu’en 1830. Comme cela arrive souvent dans ce genre d’opérations, les matériaux provenant de la destruction ont été réutilisés (surtout les pierres de taille) tant par la Ville que par des particuliers, p. ex. pour construire le moulin Saint-Rémy sur la Lauter à moins d’une centaine de mètres de là »(9). Les Dernières Nouvelles d’Alsace, en 2004, précisent au sujet du moulin que « durant la deuxième guerre mondiale, les restes du château, tout comme le moulin et la ferme construits à proximité, furent complètement rasés. Des pierres de l’ancien château ont servi aux fondations du foyer paroissial d’Altenstadt, inauguré en 1954 ». En outre, en 1998, le Service de l’Inventaire du Patrimoine culturel de la Région Alsace, qui ne cite pas sa source, indique une provenance plus précise des pierres utilisées par la construction du moulin de Saint-Rémi : « le front nord [de l’enceinte du fort] était incomplet, son matériau ayant servi à la construction du moulin voisin (détruit).»

Mais reprenons un peu le fil du temps. Après la mort de Philippe Graff en 1845, on retrouve la famille Ballweber aux commandes du moulin. Elle y restera moins de temps que les Graff, puisqu’en 1863, un incendie à priori accidentel, ruina à nouveau le moulin. L’incendie avait ravagé tous les bâtiments du moulin le 4 octobre 1863(10) (ci-dessous).

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Après cet épisode tragique, le meunier Adam Jacques Biehler, déjà présent à Altenstadt depuis 1862 et qui avait donc vécu à priori comme eux cet incendie, le reprit à son compte, puisqu’on l’y retrouve comme chef de famille en 1866, lors du recensement de cette année-là(11). Mais un autre drame survint deux décennies plus tard. Le 21 août 1888, l’un de ses fils, Emile Biehler, fut retrouvé mort à 6h du matin, mis en pièces par un engrenage de la turbine(12). Adam Jacques Biehler ne quitta pas pour autant le moulin après ce sinistre épisode. Son fils Charles le reprit au décès de son père en 1892. Et c’est ensuite que naquit Hedwige Biehler, le 26 février 1900, au moulin de Saint-Rémy. Elle épousera Georges Rupp, à Steinseltz, le 7 novembre 1924. Le moulin était connu ensuite, et en dernier lieu, sous le nom de Moulin Ruff. Salomé Marguerite, la fille aînée de Charles Biehler, avait épousé en 1915 le meunier Bernard Ruff, originaire d’Aschbach. C’est lui qui reprit le moulin à la suite de son beau-père. Le moulin de Saint-Rémy fut une dernière fois détruit les 13 et 14 mai 1940, d’abord incendié puis dynamité par les Allemands de la 246e ID, lors de leur offensive pour reconquérir tout ce secteur(13). Le village d’Altenstadt ainsi que Wissembourg furent pris les jours suivants. Cette fois s’acheva l’histoire de ce moulin car il ne fut pas reconstruit. Une nouvelle ère s’ouvrit.

Un bloc armorié similaire provenant de St-Rémy

Le musée Westercamp de Wissembourg comporte dans sa collection un autre bloc armorié très similaire qui avait été trouvé lors des fouilles entreprises sur le site du château de Saint-Rémy en 1976-1977, notamment par René Schellmanns (Fig.8). Il est à attribuer au prince-évêque Philippe-Christophe de Soetern (première moitié du 17e siècle), dont on reconnaît l’armoirie en forme de Z. Le sens du Z est ici inversé par rapport à l’armoirie de la Fig.1, mais il ne faut pas en tenir rigueur. On le retrouve en effet dans cette position sur un autre écu de ce même évêque, figurant sur un tableau monumental en grès visible au Stadtmuseum de Worms (et créé en 1621, Fig.9). Il y a tout lieu de croire que le bloc armorié, sujet de cette étude était également un élément de décoration du château de St-Rémy, au vu des fortes similitudes (triple écu du prévôt) et des dimensions comparables.

On aurait pu supposer que le bloc faisait partie d’un cénotaphe du prélat Marquard de Hattstein, intégré à l’abbaye de Wissembourg, mais il n’en est rien. En effet, Bernhard Herzog dans sa Chronicon Alsatiae éditée en 1592, s’il détaille le cénotaphe du prélat Philippe de Flersheim (décédé en 1552), ne parle en revanche pas d’une quelconque oeuvre destinée au prince-évêque Marquard. Pourtant la date de décès de ce dernier (1581) est bien antérieure à l’écriture de l’ouvrage et des recherches entreprises par Bernhard Herzog au sujet de l’abbaye de Wissembourg. Sachant que l’abbaye n’a pas souffert d’une guerre entre 1581 et 1592, ce bloc armorié n’aurait ainsi pu y disparaître et on peut admettre qu’il était bien exposé à un autre endroit qu’à l’abbaye, à priori donc au château de Saint-Rémy, le siège de l’évêque-prévôt.

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Un bloc armorié similaire d’origine inconnue

Au Musée Westercamp est conservé ce bloc armorié (Fig.10, ci-dessus), dont l’origine est inconnue. Bernard Weigel indiquait ceci : «Etant donné sa datation, cette pierre n’a rien à voir avec le cénotaphe de Philippe de Flersheim décédé en 1552. Se rapporte-t-elle à la prise de possession par l’évêque de Spire de la collégiale wissembourgeoise en 1546 et à l’une des conséquences de l’incorporation ou à un monument édifié alors ? Nous l’ignorons.»(14). Et si en fait, l’évêque-prévôt Philippe de Flersheim avait simplement initié une sorte de tradition de blocs de grès armoriés, décoratifs, pour le château de Saint-Rémy ? Il faut savoir que le château de Saint-Rémy était le siège du prévôt dans ses bailliages du chapitre de Wissembourg : il y dormait et y recevait.

Apparence originelle du bloc armorié de Steinseltz

Il a paru intéressant de vérifier l’existence de blocs armoriés similaires outre-Rhin, avec une figure angélique portant deux écus. Il y en a très peu et datent tous de la fin du XVIe siècle (Renaissance). C’est ainsi qu’on y voit de fortes ressemblances sur le bloc armorié du successeur de l’évêque Marquard de Hattstein, l’évêque Eberhardt de Dienheim, sculpté vers 1600 (Fig.11). Une figure angélique tenant dans ses mains les écus de l’évêché de Spire et du chapitre de Wissembourg.

Une autre figure angélique, tenant dans ses mains deux écus existe également pour cette fin de XVIe siècle (Fig.12). Il s’agit d’une pierre tombale sculptée dans le grès. Il y a également un cadre, qui comporte cette fois des inscriptions.

Le bloc armorié de Steinseltz, on le sait, étant incomplet, on peut ainsi imaginer la dimension réelle qu’il a pu avoir avant sa destruction partielle, même si ce ne sont là que des hypothèses. Y avait-il des inscriptions autour de l’oeuvre ? Était-il intégré dans un édicule, typique de la Renaissance ? Assez probable étant donné les similitudes.

PourWordpress2

Le château de St-Rémy, hôte des princes
(XVIe siècle)

En plus d’être le siège de l’évêque-prévôt dans ses bailliages de la prévôté de Wissembourg (« sein Sitz »), le château de Saint-Rémy fut en effet également un lieu d’hébergement pour ses prestigieux invités. Ainsi le prévôt Rüdiger Fischer, en 1537, le présente ainsi aux juridictions : «le château et le lieu avec sa ferme ont été construits à un point tel que le prévôt n’a pas eu pour lui seul une cour et un service communs. Parfois, le château de Saint-Rémi pouvait héberger les électeurs et les princes, comme cela s’est produit à un moment, avec l’hébergement sur plusieurs jours des princes et seigneurs les plus illustres, les plus distingués, les plus nobles, MM. les comtes palatins Louis du Palatinat Prince-électeur, Henri du Palatinat administrateur à Worms et Wolfgang du Palatinat, avec une cinquantaine de chevaux et autant de gens»(17). Cela va sans dire, que le château se devait d’être décoré avec tous les honneurs dus à leur hôte. Ainsi, la mise en lumière des armoiries des prévôts en rehaussait quelque peu le prestige, et affirmait l’appartenance du château à ceux-ci. Il apparait donc tout naturel, au vu du lien entre les Rupp et Saint-Rémy (via cette alliance avec une fille du meunier Biehler), que ce bloc armorié était bel et bien originaire (initialement) du château de Saint-Rémy, parmi ceux d’autres évêques-prévôts. Voici décrite l’arrivée du prélat Marquard de Hattstein lors de sa prise de possession : «L’évêque Marquard de Hattstein fit son entrée à Wissembourg à cheval, le lendemain de l’Assomption 1560, avec un cortège de soixante-dix-huit cavaliers, et descendit comme Rodolphe [de Frankenstein, son prédécesseur] chez le chanoine Jean Gulchen au Reffenthal [docteur en théologie, en droit et en médecine]. La ville lui fit remettre cinq mesures (hectolitres) de vin et dix sacs d’avoine»(18). On y apprend également, comme cela est bien documenté, que les évêques-prévôts avaient coutume depasser la nuit au château de Saint-Rémy lors de la prise de possession de leurs bailliages, après avoir passé leur première journée à Wissembourg. Le second jour, ce sont les villages de leurs bailliages qui lui prêtent serment au château de Saint-Rémy, son siège.

Le bloc armorié était-il déjà prêt dans la décoration du château de Saint-Rémy lors de la journée de prise de possession du prince-évêque Marquard de Hattstein ? Peu sûr mais on peut admettre qu’il a été réalisé au plus proche de son investiture, vers 1560-1562. Il y aura eu ensuite plusieurs événements lors desquels ce bloc armorié a pu passer du château au moulin de Saint-Rémy, surtout à compter de la destruction du château en 1703. Et ça n’est qu’après 1924, année de mariage entre le maire Rupp et Hedwige Biehler, qu’il a donc transité jusqu’à Steinseltz.

Hattstein, Marquard von
Fig.10. Ci-dessus, une gravure représentant le prince-évêque Marquard de Hattstein en 1580, avec une erreur sur le nom de famille (Holstein), et accompagné de sa devise : CERNIT DEUS OMNIA VINDEX (« Il y a un Dieu vengeur qui voit tout »). Source : collection d’estampes de la Bibliothèque Nationale d’Autriche.


(1) Franz Xaver REMLING. Geschichte der Bischöfe zu Speyer, zweiter Band. Mainz, 1854. p.670 : « Das Hauptwappen dieses Bischofes ist eine rothen Schild mit zweien goldenen Schrägbalken. Die Helmzierde bildete ein gebärdeter Jude mit der Spitzkappe. / Les armoiries de cet évêque [François Christophe] sont de gueules à deux bandes d’or. L’ornement du heaume est un juif barbu avec chapeau pointu.

(2) Op.cit., p.359 : « Marquard’s Wappen sit ein rothes Schild mit drei silbernen Querbalken, die Helmzier hat zwei gleichfarbige Fittige. Sein Hauptsiegel, mit der Jahrzahl 1560, ist gewöhnlich in rothes Wachs eingedrückt. Es zeigt in der Mitte unter einem gothischen Baldachin mit vier Thürmchen die Madonna, das Christuskind auf der Rechten und das Zepter in der Linken. Unter den beiden Seitennischen stehen zwei Engel, mit dem Wappen des Hochstiftes und der Probstei Weissenburg. Das Familienwappens Marquard’s ist unterhalb der Madonna angebracht. / Les armoiries de Marquard sont de gueules à trois bandes d’argent, la garniture du heaume est assortie de ces deux couleurs. Son sceau principal, daté de 1560, est généralement estampillé de cire rouge. Au milieu, il montre la Vierge, l’enfant-Jésus à droite et le sceptre à gauche sous un auvent gothique à quatre tours. Sous les deux niches latérales se trouvent deux anges, avec les armoiries de l’évêché de Spire et de la prévôté de Wissembourg. Les armoiries de la famille de Marquard sont placées sous la Madone. »

(3) Paul v.BROCKE. Die Wappen der Abtei und der Stadt Weissenburg im Elsass in Vierter Jahres-Bericht des Vereins zur Erhaltung der Altertümer in Weissenburg und Umgegend, herausgegeben für das Jahr 1908. Ackermann : Weissenburg, 1909. p.71-109, avec impression en fin d’ouvrage des armoiries étudiées. Ainsi à la page 99, l’auteur affirme : « Die Wappenschilde der Bischhöfe Franz Christoph Frhr. von Hutten (1743-1770) und Aug. Phil. Carl Graf v.Limburg-Styrum (1770-1797) zeigen die Burg ohne Zinnenmauer ; an deren Stelle befindet sich zwischen den Zinnentürmen ein Giebel, über dessen Spitze die Krone schwebt. / Les armoiries de l’évêque François Christophe de Hutten contiennent le château sans mur crénelé; à sa place, il y a un pignon entre les tours, surplombé par la couronne. »

(4) AA-Sbg 7M228, 294D/A7, 295D/B7 : Altenstadt – Recensements de population pour les années 1836, 1841, 1846, 1851, 1856, 1861, 1866, 1880 et 1885. AD67 : Etat-civil d’Altenstadt (1793-1912).

(5) Archives municipales de Wissembourg : Ortsgeschichte von Steinseltz, verfasst von Lehrer Wehrung (juin 1908).

(6) Jean RHEINWALD. L’Abbaye et la Ville de Wissembourg : avec quelques châteaux-forts de la Basse Alsace et du Palatinat, Monographie historique. Wentzel : Wissembourg, 1863, page 22.

(7) Musée Westercamp (Wissembourg), N° d’inventaire MWWI.2003.0.203 : La pierre se rapporte à l’abbé bénédictin Hugues de Nohfelden et est datée de 1385. Dans l’Outre-Forêt N°99, page 39, Bernard WEIGEL l’a déchiffré ainsi : ANNO. DNI / M.CCC.L.XXX.V / HUGO [P.P.] ABBAS / HOC CASTRU EDIFICAV, ce qui veut dire : « En l’An du Seigneur 1385, l’abbé Hugues a fait construire ce château. »

(8) Op.cit. : J. Rheinwald, page 139.

(9) René SCHELLMANNS. Le château Saint-Rémy in l’Outre-Forêt n°145 (I-2009).

(10) L’Espérance : courrier de Nancy, du 9-10-1863, page 3. AA-Sbg : Etat-civil d’Altenstadt (1793-1912), contenant les trois actes de décès en cette date du 4 octobre 1863.

(11) AA-Sbg 7M228 : Recensement de population de 1866.

(12) Express, du 26-08-1888, page 3.

(13) Johannes NOSBÜSCH. Damit es nicht vergessen wird… Pfälzische Verlagsanstalt, 1983. p.139 : « Wie der Kappelstein war auch die Remy-Mühle bereits vorher das Ziel deutscher Unternehmungen, doch blieb das zur kleinen Festung ausgebaute Anwesen in französischer Hand. Nun setzen Stosstrupps mit Schlauchbooten über die Lauter und traten zum Sturm an. Der Widerstand war so verbissen, dass die Mühle in Flammen aufging und zum grossen Teil zerstört wurde. Der Rest fiel nach der Einnahme einem Sprengkommando zum Opfer.»

(14) Op.cit. O.F. N°99, p. 39.

(15) Anneliese SEELIGER-ZEISS. Die Inschriften des Grosskreises Karlsruhe. München, 1981. « Nr. 329. Ubstadt (Gem. Ubstadt-Weiher), Obere Str. 168, um 1600. Wappenstein des Speyerer Bischofs Eberhard von Dienheim.»

(16) Op.cit. Seeliger. « Nr. 404. Hofen (Stadt Bönnigheim), ev. Pfarrkirche St. Ottilia. 1562/1585. Grabplatte des Adam Besler und seiner Frau Barbara.»

(17) SCHMITTER (instituteur à Riedseltz). Plünderung und Zerstörung des Schlosses St. Remigius bei Weissenburg in Jahres-Bericht des Vereins zur Erhaltung der Altertümer in Weissenburg und Umgegend, herausgegeben für das Jahr 1906. Ackermann : Weissenburg, 1907. p.18-23. Extraits d’actes de procédures à la Chambre Impériale, datés du 16 mai 1537, la description par le prévôt Rüdiger Fischer afin de faire valoir les droits de la prévôté de Wissembourg sur le Saint-Rémy, après l’anéantissement de celui-ci lors de la guerre des Paysans (1525) : « Schloss und Sitz war mit seinem Vorhof dermassen gebaut gewest, dass sein gnaden (der Probst) nit allein ein gewöhnlich hof und hausshaltung darinn mag haben unnd gehapt. Sonder auch zu Zeitten Chur- und fürsten darinn enthalten und beherbergen mögen, wie denn uff ein Zeit geschehen, so die durchlauchtigsten hochwürdigen durchlauchtigsten und hochgeborenen Fürsten und Herren, Herrn Ludwig Churfürsten, Herrn Heinrich Administrator zu Worms und Herr Wolfgang alle drei pfalzgraven, etlich tag mit etwa fünfzig pferden und soviel personen darinn enthalten und beherbergt worden.»

(18) Op.cit. : J. Rheinwald, p.259.


M. Jean Musaeus, pasteur et alchimiste

 glyphTransparentMagister, Pasteur, doyen ecclésiastique, alchimiste, marchand. Plus alchimiste que ministre du culte, il correspond avec plusieurs aristocrates sur son art. Ses activités annexes agacent ses paroissiens à Obermaßfeld ainsi que le surintendant ecclésiastique général de Meiningen. Il se retire à Meiningen vers 1607 et est l’auteur d’un traité d’alchimie appelé Flores Planetarum, qu’il envoie en 1613 au prince Auguste d’Anhalt-Plötzkau.

Obermassfeld

J.Musaeus est né le 28 avril 1549 à Fürstenwalde/Spree, dans le Brandebourg, comme il l’indique lui-même dans l’un de ses écrits avec son affinité pour les sciences occultes (« Als der ich Anno 1549, do die Sonne im Taurum getreten, Drey tage vor Ostern geboren » – né en 1549, alors que le soleil est entré dans le signe du Taureau, trois jours avant Pâques[1]). Son père, alors encore simple pasteur, y était en poste. J.Musaeus était le fils aîné du Dr.Simon Musaeus, disciple de Luther, originaire de Vetschau/Spreewald (Brandenbourg), un théologien et réformateur gnesio-luthérien (la branche luthérienne la plus originelle, la plus intransigeante), également ensuite professeur et recteur de l’Université d’Iéna. Sa mère était Marguerite Adelhauser, issue d’une famille bourgeoise de Cottbus (Brandenburg), que son père avait épousée quelques années à peine avant sa naissance, vers 1547.

Il suivit son père lors de ses multiples affectations ecclésiastiques et académique (Crosse/Oder 1552-1554, Breslau 1554-1557, Gotha 1557-1558, Eisfeld 1558-1559, Iéna 1559-1561). C’est à Iéna où son père avait obtenu la chaire de théologie ainsi que le poste de recteur en 1560, que J.Musaeus s’inscrivit à la réputée université d’Iéna (“Ioannes Museus Furstwaldensis”). Il avait alors à peine 11 ans, ce qui dénote une certaine précocité, et probablement le suivi très strict de son père. Il suivit alors à nouveau sa famille (une fratrie comptant déjà sept enfants – qui atteindra onze enfants en 1572), son père déjà retenu comme surintendant à Brème en octobre 1561, puis de là au poste de prédicateur à la cour (Hofprediger) du Duc Jean VII de Mecklembourg-Schwerin vers 1562. C’est pendant cette période que père et fils s’inscrivent à l’Université de Rostock (12.07.1563 : “Iohannes Musaeus, D.Simonis filius”). Il avait alors quatorze ans. C’est après le passage dans cette université que son parcours est incertain, il semble tout de même obtenir le grade de Magister par la suite[2] (mais visiblement pas à Iéna[3]). Il suit probablement son père à Gera (1565), puis à Toruń (1567) et enfin Cobourg (1570) sans avoir le temps de s’attarder longuement dans une université. À l’inverse de l’un de ses frères cadets, Paul, qui obtiendra ce grade après le décès de leur père. En Saxe, à Cobourg, son père est nommé surintendant ecclésiastique général (General-Superintendant), le poste ecclésiastique le plus élevé de son parcours tumultueux.

C’est dans le comté de Henneberg, en Thuringe, que J.Musaeus choisira de se fixer et de se détacher définitivement de son père, non sans son appui. Il a alors 23 ans lorsqu’il obtient son premier ministère en tant que diacre à Römhild en 1572. Il est remercié l’an suivant du fait de sa filiation, son père étant pris dans la controverse synergétique – les gnesio-luthériens croyaient à l’incapacité de la volonté naturelle à participer à la justification et pensaient que les bonnes œuvres étaient inutiles au Salut.

J.Musaeus trouva rapidement le même poste à Schleusingen, en 1573. C’est pendant ce ministère que son père fut chassé de Coburg (1573) par les modérés et que J.Musaeus se maria à Römhild avec Christine Rüdiger (23 février 1574). Son épouse était la veuve du diacre de Römhild Jean-Georges Boxberger – qui avait été précédemment moine – et la fille de feu le surintendant ecclésiastique de Römhild, M.Adam Rüdiger, initialement curé. Des alliés qui se sont donc convertis au nouveau courant religieux de la Réforme.

Il fut ensuite nommé pasteur et doyen à Obermaßfeld, où il fait son premier sermon en juillet 1575. Le 15 août 1577, il signe la Formule de Concorde, symbole de souplesse (à l’inverse de son père, resté intransigeant jusqu’à son dernier souffle). J.Musaeus reçut un suppléant en 1602 avant de prendre sa retraite vers 1606. A cette époque, il n’y avait pas de pasteur comme J.Musaeus dans tout le comté de Henneberg. Il n’avait pas pu devenir ministre du culte par libre choix, mais seulement de la volonté de son père, car la principale force de son esprit et de sa nature ne résidait pas dans la vie paroissiale, mais dans les affaires d’argent et dans le commerce. Pour cela, il avait du talent, du sens et de l’oreille.

SimonSon père, le Dr. Theologiae Simon Musaeus, l’un des leaders des réformateurs fondamentalistes, ici recteur à Iéna (1560, collection de portraits de l’Université).

Ses penchants et son activité spéculative, dirigés vers les branches industrielles et marchandes les plus diverses, étaient portées et stimulées non par un noble sens religieux, mais par sa prédilection pour les découvertes. Grâce à un esprit naturellement vif et aiguisé par l’expérience, il a parfaitement su, pendant de nombreuses années, comment cacher sa vie professionnelle privée, qui contrastait fortement avec son pastorat. Cette vie était devenue évidente et conduisait à des plaintes de ses paroissiens ; pour le blanchir on lui demandait de se justifier[4]. Il n’a pas hésité à porter des accusations contre ses plaignants. Malgré sa culture protestante prédominante, il se livrait à une forte libre pensée d’une part, de sorte qu’il fréquentait les catholiques, les juifs et les sectaires.

D’autre part, il pratiquait les arts alchimiques des métaux précieux. Par cette dernière activité, il sut gagner la faveur de hautes personnalités. Peu importe la détermination avec laquelle les autorités ecclésiastiques de Meiningen se sont opposées à de telles activités non spirituelles et ont donc cherché à retirer Musaeus de ses fonctions, il a néanmoins réussi à se maintenir longtemps à son poste, en partie grâce à ses talents rhétoriques et en partie grâce au soutien de personnalités puissantes. Cela se manifesta notamment en 1601, lorsqu’il fut jugé nécessaire de procéder à son éloignement et donc de rejeter ses propositions de se faire représenter par un remplaçant dans ses relations d’affaires avec Maßfeld. Comme ses connaissances alchimiques étaient largement connues, les seigneurs d’Assebourg voulaient également pouvoir l’utiliser à leurs fins pendant un certain temps. Avec la permission du duc et administrateur Frédéric Guillaume de Saxe-Weimar, ils se rendirent à Meiningen avec la demande de suspendre le pasteur Musaeus de son bureau pendant trois mois pour leurs besoins afin de fabriquer de l’or. Musaeus a accepté cette offre à condition que son gendre Jean Salender veuille reprendre son pastorat entre-temps. Pour cela, cependant, il devait d’abord être ordiné. Depuis que le surintendant ecclésiastique de Meiningen s’est déclaré contre une telle ordination, qui ne devrait avoir lieu que pour une courte période et non pour un service paroissial permanent, les seigneurs d’Assebourg se sont plaints à l’administrateur princier et le 14 septembre 1601 vint l’ordre de Dresde, que Salender soit ordiné et utilisé comme substitut. L’autorité ecclésiastique supérieure de Meiningen admettait désormais que Salender prendrait en charge les sermons d’Obermaßfeld et de Grimmenthal en remplacement, mais que les sacrements devraient être administrés par le clergé local voisin. Le 24 octobre de cette année-là, les seigneurs d’Assebourg acceptèrent cet arrangement[5]. Salender est depuis resté à Obermaßfeld pour soutenir son beau-père.

Le 25 décembre 1605, son emploi pour les seigneurs d’Assebourg étant terminé, il écrivit au prince Christian II, électeur de Saxe, lui demandant de pouvoir revenir dans son décanat et paroisse d’Obermaßfeld, comme consenti par le régent de ce dernier en 16012. On suppose que l’électeur ne confirma pas son retour à Obermaßfeld, car on retrouve Musaeus dès 1607 à Meiningen, où il passa le reste de sa vie. Le controversé pasteur a trouvé sa paix dans le cimetière St-Martin de Meiningen. Il a pu fonder une famille nombreuse et intellectuellement distinguée, qui a ramené le nom Musaeus à un grand honneur dans les domaines de la science et du pastorat, notamment la descendance de son fils homonyme, un pasteur bien plus soucieux de ses paroissiens que ne l’était son père.

Jean Musaeus – l’alchimiste

On ignore qui l’a intéressé aux arts alchimiques, néanmoins il dit, dans son tract Flores Planetarum, avoir été à la mine de Saalfeld (Thuringe) dans sa jeunesse où il aurait beaucoup discuté et appris au contact des célèbres alchimistes David Beuther, John Dee et son collègue Edward Kelley : “ […] David Peuter, Johan De EE und seine Collega Kelleus zu Salveld uff der Hütten, do ich den in meiner Jugend viel mit Ihnen conversirt […]”.

David Beuther, originaire de Saxe, inspecteur des mines à Annaberg (Saxe), est devenu alchimiste à la cour du prince électeur Auguste de Saxe en 1575 et jusqu’à sa mort en 1582, année où il se serait suicidé, ne parvenant pas à faire de l’or pour son maître. Il est probable que David Beuther ait fait quelques passages à Saalfeld avant 1575 pour affiner son art, donc pendant les premières années de la présence de Musaeus en Thuringe ou à proximité (Cobourg), entre 1570 et 1575, période où il a pu le rencontrer. Entre 1575 et 1582, par contre il travaillait presque exclusivement dans le laboratoire de chimie du prince Auguste de Saxe, sous surveillance, car ne parvenant pas à transmuter les métaux en or. Malheureusement la vie de David Beuther avant 1575 demeure très obscure, ce qui ne nous permet pas de certifier sa présence en Thuringe.

A l’inverse des alchimistes britanniques… En avril 1586, Le Docteur John Dee et Edward Kelley, alors en visite à Leipzig, sentant le vent tourner après qu’un jardinier ait brûlé une copie des travaux de Dee restés à Prague, décident de fuir la capitale impériale et de s’installer dans le secteur d’Erfurt. Le pape Sixte V publia un édit le 29 mai 1586, leur intimant de quitter Prague sous six jours, pour utilisation interdite de la magie. Kelley était le médium de Dee, et les deux savants britanniques étaient arrivés en Europe en 1583, afin d’expérimenter la transmutation des métaux en or et en argent. C’est vers juin 1586 que Dee cherche à s’installer à Saalfeld, à proximité des mines[6] ; ils repartirent de Saalfeld en septembre de la même année pour la Bohème, à Trebona, qu’ils ne quittèrent plus. Dee retournera en Angleterre en 1589. Un certain Dr. Victor Reinhold, de Saalfeld, a visité Dee à Trebona juste après son départ de 1586, suggérant que Dee a bien laissé sa marque dans la ville minière. On peut donc admettre que la rencontre entre Jean Musaeus avec John Dee et Edward Kelley a eu lieu à Saalfeld en 1586.

ImageAlchimiste

Sächsische Landesbibliothek- Staats-und niversitätsbibliothek Dresden, Manuscrit N.36 : Figurae hieroglyphicae de lapide philosophorum, page 12r. Première étape pour la transmutation des métaux en argent et en or (lune et soleil), l’alchimiste mélange des métaux sans valeur dans un grand récipient. 

La référence principale de J.Musaeus en alchimie serait John Dee, dont il reprend la monade hiéroglyphique (ci-contre) dans son Flores Planetarum, en le mettant au centre de la table hermétique, elle-même transmise à priori par le même John Dee. Ce dernier était un célèbre mathématicien, astronome, astrologue, géographe et occultiste britannique. Il a consacré une grande partie de sa vie à l’étude de l’alchimie, de la divination et de l’hermétisme.

Musaeus cite par ailleurs dans son Flores Planetarum l’ouvrage de Nicolas Solea, publié en 1600 à Zerbst[7] et dont il reprend aussi des enseignements intéressants (“welcher Flores der weltberühmte Berg Philosophus Nicolaus Solea, in seinem Bergbuch, des Elias Montanus fürstlicher Leib Medicus zum Brieg, in der Schlesien den löblichen Fürsten Lignitz und Anhalt dediziert, viele gedenkt, sonderlich Cap:3 pag:9 das solche Flores halb metallisch sein”).

SignatureJMSignature de Jean Musaeus (1613)

JohenDee

Dr.John Dee à 67 ans (1594). Artiste inconnu.Portrait ayant appartenu à son petit-fils Rowland Dee. Collection de l’université d’Oxford.

Ci-après, le passage majeur traduit de son Flores Planetarum[8], où Jean Musaeus conçoit bien l’alchimie tant sur le plan spirituel que matériel.

La table hermétique de transmutation de l’or et de l’argent

Table hermétique"Comment obtenir de l’or et de l’argent purs grâce à la conjonction et la fermentation du ciel universel sidéral, élémentaire et métallique [Mercurio] des douze signes célestes [Soleil] et [Lune], et des quatre planètes métalliques Vénus, Mars, Jupiter et Saturne.

Parmi tous les monuments des anciens, pour une certaine délimitation de l'art alchimique, c’est un récapitulatif des innombrables écrits des sages.

Selon l’esprit supérieur de John Dee, il n'y a pas d’autre document synthétique aussi précieux, marqué de signes et de caractères hiéroglyphiques, que cette table. Ainsi cela a été écrit pour le débutant de l’hermétisme trismégiste, aidé par un certain nombre de moyens. John Dee l'utilisa pour écrire sa monade hiéroglyphique. mais avec des caractéristiques découvertes et immédiatement écloses, dont l'élucidation, dès cette époque, arborait une considération toute particulière. Ainsi une telle table des amoureux de la chimie a voulu vous faire voir la division des trois cieux minéraux, dont la structure vient de leurs 7 planètes puissantes, virtuelles, matérielles et formelles, qui ne jaillit que d'un matériau initial l’antimoine sidéral, élémentaire et corporel. C'est une certaine raison pour laquelle nous pouvons aussi avoir une telle distribution, puisqu'il faut nourrir le ciel métallique avec ses six corps métalliques, dans la calcination, à partir de laquelle il est fermenté dissous et transformé en teinture.

La connaissance de la table hermétique nous sert à cet effet, qu'un artiste doit savoir ce que sont l’officine du ciel sidéral et ses six signes ou éléments animaux, qui sont générés dans de telles officines, qui sont six fleurs planétaires, afin que ces métaux morts, qui ont perdu leur esprit animal dans la fonte, pourraient à nouveau s'animer, se teinter et se graduer, car l'animatio est un esprit vivant et non mort. [...]”

Famille et descendance

D’après l’éloge funèbre prononcé en 1654 à l’occasion du décès de son fils Jean, Jean Musaeus et son épouse Christine Rüdiger ont eux deux garçons et cinq filles. Voici la liste de leurs enfants et leur alliances :

1 – Marie Musaeus, née vers 1575 à Obermaßfeld, a épousé en 1594, à Meiningen, Jean Steitz, né vers 1568 à Schmalkalden, immatriculé à l’université de Leipzig en 1587, également alchimiste, il est un propriétaire minier important de Schmalkalden. Il était aussi le fils de Jean Steitz (°av.1543-1599 Schmalkalden), bailli à Meiningen, Maßfeld et Kaltennordheim.

2 – Régine Marie Musaeus, née vers 1577 à Obermaßfeld, a épousé vers 1601, sans doute à Obermaßfeld, Jean Salender, pasteur, immatriculé à l’université d’Iéna en 1588 (“Ioannes Salenderus Nidermassfeldensis”), ordiné en février 1602 à Meiningen. Pasteur adjoint de son beau-père à Obermaßfeld (1602-1606).

3 – Jean Wolfgang Musaeus, né vers 1580 à Obermaßfeld, a épousé en 1631, à Meiningen, Mathilde Guth, née en 1593, veuve du pasteur Johannes Grebner, et fille du surintendant de Meiningen (1612-1629) Jean Guth. Il est décédé avant 1646. Deux enfants connus mais ayant peu vécu : Jean Volkmar né et décédé en 1631 à Meiningen et une petite fille (Mägdlein) décédée en 1646 à Meiningen à l’âge de 8 ans.

4 – Jean Musaeus Jr., pasteur, né le 14.02.1582 à Obermaßfeld, a épousé en 1607, à Ilmenau (Thuringe) Sybille Sturm, décédé le 20.11.1654 à Dannheim. École puis lycée à Schleusingen (1590-1599). Imm. Iéna (1599, “Joannes Musaeus, Masfeldensis Hennebergiacus”). Pris d’une terrible fièvre, il revient chez ses parents en 1601 où il reste un moment avant de retourner à Iéna pour terminer son cursus universitaire en 1606. Il devient ensuite Recteur à l’école d’Ilmenau en 1606 et y enseigne six années aux jeunes élèves. Ordiné à Arnstadt en 1612, il est investi pasteur à Langenwiesen le 28.06.1612. On lui proposa quelques années plus tard un poste de prédicateur (Hofprediger) à la cour de la princesse douairière de Henneberg qu’il refusa pour se consacrer pleinement à sa paroisse de Langenwiesen ou il restera en tout 17 ans et demi. Il est alors investi à la paroisse de Dannheim le 28 février 1630 où il restera jusqu’à sa mort. Dans sa descendance, on peut citer de nombreux professeurs d’université, de Docteurs, Magister, etc.

5 – (soeur) Musaeus, non identifiée.

6 – Elisabeth Musaeus, née en novembre 1586 à Obermaßfeld, décédée en 1661 à Meiningen, a épousé en 1607, à Meiningen, Wolfgang Siebenfreund (+1639 Meiningen), célérier et juge censier. Huit enfants, donc cinq ont vécu : Jacques Wolfgang (1611-1673), Catherine (°1613), Elisabeth (°1616), Jean Daniel (°1619) et Madeleine Sibylle (°1627).

7 – Anne Musaeus[9], née vers 1588 à Obermaßfeld, décédée en 1635 à Meiningen, a épousé le 4 juin 1610, à Waltershausen im Grabfeld (Bavière), Otto Schott (°ca.1575, +1630/35), administrateur/trésorier (Vogt) (ca.1608-1617) à Waltershausen, bourgeois de Meiningen (1617), notaire public (1625), trésorier de l’Ecole du comté de Henneberg et de l’hôpital de Grimmenthal (1625-1630/32). Six enfants dont trois ayant vécu : Jean Georges (°1622), Otto Daniel Schott (°1624) peut-être par la suite Receveur du chapitre de Surbourg (67), Madeleine Elisabeth (°1626) qui a épousé le pasteur de Ste-Marie-aux-Mines (68) Emmanuel Agricola, avant de finir ses jours à Rittershoffen (67) en 1695. On ignore ce qu’est devenu Jean Georges.

A cette liste, il faudrait rajouter Georg Adam SCHOTT, né vers 1612 à Meiningen, dont le baptême est lacunaire à Meiningen, tout comme à Waltershausen. En effet l’un de ses fils se prénomme Otto Georges. Il est devenu Magister à l’université de Strasbourg, puis a été chapelain à l’hôpital de Strasbourg, avant d’être pasteur à Muhlbach-sur-Munster (68).

Je remercie Xavier Maillard pour sa collaboration notamment au moment de l’énumération du parcours de Simon Musaeus.


[1] Staatsarchiv Meiningen, Gemeinschaftl. Hennebergisches Archiv, Sektionen Altes Rechnungsachiv II, Maßfelder Amtsrechnungen, Sekt. IV C 2 Nr. 9

[2] Staatsarchiv Dresden, Loc. 08623/04 : Magister Johann Musäus’, Pfarrers zu Obermaßfeld [s. Meiningen], Erlassung. Dossier concernant la mise à l’écart de Johann Musaeus de son ministère à Obermaßfeld (1601-1605), Supplique pour son retour (1605)

[3] Georg Mentz : Die Matrikel der Universität Jena, Band I, 1548 bis 1652 ; §Die Matrikeln der juristischen und der philosophischen Fakultät 1558-1576§. Jena, 1944.

[4] Staatsarchiv Meiningen, Gemeinschaftl. Hennebergisches Archiv, 4-10-1040: Kaufmännische Geschäfte des Pfarrers Johann Musaeus zu Obermaßfeld, 1575-1601. – n°164 : référence à la paroisse, salaire et matières scolaires, 1575-1577, 1580; Demande de congé, 1581 (fol. 13) ; Déclarations de tiers sur la conduite de M., commentaires à ce sujet, listes de dettes, 1581, 1588, 1592, 1599-1600 ; Plaintes / actes de procédure de la communauté d’Obermaßfeld, réponses du pasteur, 1598, déclarations du consistoire, 1599 ; Offre de Musaeus de découvrir des mines, 1599 (pp. 110-128) ; Menace de licenciement, fixation d’un délai pour renoncer à l’entreprise, demandeurs d’ajournement, déclarations à ce sujet, 1599-1600 – n°165 : Recommandations personnelles de M., 1576, 1585, 1594 ; correspondance officielle avec M., entre autres recensant des caisses de l’église et l’argent du pont à Obermaßfeld, 1584-1597 ; Responsabilité du consistoire de l’hôpital Grimmenthal, 1595 ; Cautions de tiers, 1596 et suivantes ; Diffamation de tiers par M., commentaires à ce sujet, extraits du procès-verbal, 1598-1599; Explications de Musaeus, 1599-1601 ; Clarification des responsabilités entre gouvernement et consistoire, déclarations des personnes concernées, 1599-1600, compilation des affaires de M., témoignages, extraits du procès-verbal, 1600- 1601. – n°166 : procès-verbaux du consistoire ; Liste des titres de créance ; Collection des affaires ; Témoignages, 1600 ; questionnaires ; évaluations ; index ; écrits de procès, concepts. – n°167 : Recouvrement de dettes, 1576 ; Demandes de subventions, 1580 ; Occupation du poste de maître d’école, 1581 ; Plaintes du maître d’école à Obermaßfeld contre Musaeus, 1581 ; Querelle avec le meunier d’Obermaßfeld, 1585 ; Différend sur les transactions immobilières à Rentwertshausen et Meiningen, 1586 ; Différend avec la municipalité d’Obermaßfeld, 1587 ; Déclarations d’allégations, lettres commerciales, 1592-1600, réponse du consistoire, déclarations de tiers, 1600 ; Liste des comptes débiteurs, 1600 ; congé pour faire de l’or, 1601 (pp. 183-189); Liste de questions.

[5] Staatsarchiv Meiningen, Gemeinschaftl. Hennebergisches Archiv, 4-10-1130, n°575 – Beurlaubung des Pfarrers Johann Musaeus in Obermaßfeld u. Bestellung eines Kaplans, 1600-1602. Contient : Démarches d’Auguste d’Assebourg et de ses frères pour libérer Jean Musaeus afin de rechercher des minerais et de l’ardoise, correspondance avec le prince-électeur Joachim Frédéric de Brandebourg en tant que co-tuteur du prince-électeur Christian de Saxe et avec le gouvernement de Meiningen, déclaration de Musaeus à ce dernier avec une explication de son art d’alchimiste, 1600 avril / mai (pages 1-16, 42-43), juin (pages 17-21), correspondance avec le gouvernement de Meiningen concernant la nomination de Jean Salander comme substitut de son beau-père J. Musaeus, 1601 sept./oct. (p. 23-27), déc. (p. 28-30), avec le prince-électeur Christian de Saxe, 1602 janv. (p. 31-41).

[6] Charlotte Fell Smith : John Dee (1527 – 1608), 1909. p.173 : “Dee, who was starting early next morning to look at a house at Saalfeld, wherein to settle his exiled family”

[7] Nicolas Solea : Ein Buechlein von dem Bergwergk Wie man dasselbige nach der Rutten vnnd Witterung bawen sol Allen so darzu lust haben sehr dienstlich vnd zu wissen noetig Durch Nicolaum Soleam Boemum zu hauff getragen. Jtzt durch Eliam Montanum, Fuerstlichen Anhaltischen Leib-Medicum zum Briege Erstlich an Tag gegeben. 1600, Zerbst.

[8] Traité manuscrit d’alchimie de Jean Musaeus, envoyé en 1613 sous forme de correspondance au prince Auguste de Anhalt-Plötzkau. (Landesarchiv Sachsen-Anhalt, Z 70 Abteilung Köthen, A 17a Nr.105b). La correspondance couvre la période 1610/13.

[9] Landesarchiv Thüringen, Staatsarchiv Meiningen. Gemeinschaftliches Hennebergisches Archiv, Sektion VI, Nr.590 : Courrier de Hans Fähler (assujetti domicilié de Herpf) envoyé en 1623 à la chancellerie du comté de Henneberg à Meiningen. Hans Fähler indique devoir 100 Gulden et les intérêts aux héritiers de Jean Musaeus (décédé en 1619, il cite en l’occurrence son gendre Wolfgang Siebenfreund, bien documenté dans les registres paroissiaux comme étant le gendre du pasteur Jean Musaeus). Par chance, Hans Fähler cite également un autre héritier Otto Schott (“Musaeus Erben einer als Otto Schott”), dont le lien a ainsi pu être établi : sa femme Anna Muser (sur l’acte de mariage de 1610) est en fait Anna Musaeus (erreur d’écriture dans le registre), une fille du pasteur Jean Musaeus…


Le Baron de Wangen était le page de l’évêque Jean de Manderscheid

Dans un courrier de 1659, Jean Reinecker, secrétaire épiscopal à Saverne, préposé aux fouilles pour la recherche du trésor, indique à l’évêque de Strasbourg qu’il avait parlé à un noble très âgé, un an après la découverte de Koenigolt. Ce noble, lui avait alors raconté, avoir été autrefois le page de l’évêque Jean de Manderscheid, dans sa jeunesse, et qu’il avait emprunté un souterrain avec le prince-évêque, mais ne se rappelait plus par où il était passé…

Cette recherche permet non seulement d’identifier qui était le page de Jean de Manderscheid, mais aussi de s’assurer que le baron Christophe de Wangen était parmi les conseillers épiscopaux à avoir été mis au courant par Jean Koenigolt, comme il l’affirme lui-même dans son attestation, ce qui renforce la véracité de cette attestation. Bien-sûr, cela permet aussi de s’assurer de la véracité des dires de Jean Reinecker dans son courrier, car il cotoyait quotidiennement le baron de Wangen depuis son arrivée en 1622 à la chancellerie de Saverne. En outre, cette recherche permet d’établir un cercle relationnel gravitant autour de Jean Reinecker et du sourcier Jean Koenigolt.

Pour une lecture plus aisée (ce document comporte beaucoup de graphiques), merci de le télécharger en cliquant sur le lien ci-dessous :

Le Baron de Wangen est le page de Jean de Manderscheid

Le sergent Bartholomée Lemmer, homme de confiance de la famille princière

Le 9 juin 1670, le sergent Lemmer (Lämmer, Lammer) demande les ordres directement au Duc régnant Eberhard III de Wurtemberg, alors qu’il aurait pu (dû) passer en premier lieu par son capitaine ou son colonel, mais le fait est qu’il a écrit directement au prince. Dans le contexte présent, cela donne l’impression que le Duc Eberhard de Wurtemberg avait exigé qu’il procède de la sorte, en cas d’urgence, bien que le sergent ait pu demander ses ordres sur sa propre initiative, jugeant le contexte de la plus haute importance… c’était bien un trésor après tout (ou du moins c’est ce que le Duc a bien voulu faire croire)…

Mais qui était donc le sergent Bartholomée Lemmer ? Qui était cet homme, en apparence ordinaire, pris dans cette situation quelque peu extraordinaire ?

Il semblerait que Bartholomée Lemmer, ferblantier de métier, soit originaire d’Ilmenau (Thuringe) et qu’il soit arrivé à Mundelsheim, à 30 kms au nord de Stuttgart vers 1660.
Voici les différentes mentions dans le registre paroissial de Mundelsheim :
– 27.10.1660, sa fille Marguerite décède à un âge d’un an et demi. Bartholomée Lemmer, le père est un ferblantier (Spengler) venant d’Ilmenau en Thuringe. Il est manant, depuis peu à Mundelsheim où il fait étape.
– 19.04.1661 est baptisée sa fille Marie Claire. Toujours ferblantier, son épouse se nomme Anne Barbe.
– 10.04.1663 est baptisé son fils Jean-Jacques. Les parrains n’étaient pas du village et le pasteur indique que le père n’a pu lui donner leurs noms, voilà qui est original.

En 1664, des troupes sont levées en renfort, pour la guerre contre les Turcs, en Hongrie. On peut lire que 400 fantassins du prince de Wurtemberg sont affectés au 2e régiment d’infanterie du district souabe. Parmi eux, figure sans doute déjà Bartholomée Lemmer. Les troupes sont de retour au bercail en février 1665, et parmi tous ces fantassins, 150 ont été retenus pour continuer à servir, en période de paix, dans les unités de gardes du corps à pied de la famille princière. Sans doute, figurait parmi ces gardes du corps, le fantassin promu au grade de sergent, Bartholomée Lemmer. C’est peut-être alors, dans ce nouveau rôle, qu’il a gagné la confiance de la famille princière, en s’illustrant probablement encore.

ForteresseHohenAsperg
Gardes du corps à pied du Duc de Wurtemberg (trois personnages à gauche)
Unités incorporées en 1664 dans deux compagnies du 2e régiment d’infanterie du district souabe
Bartholomée Lemmer devait être habillé comme le 3e puis le 4e homme en partant de la gauche

On le trouve ensuite le 29 mars 1669 à Schorndorf (Wurtemberg), une ville de garnison. Il est parrain d’un enfant de soldat, ce dernier fraîchement recruté par le capitaine-lieutenant Johann Schabert, aussi parrain. Il est possible qu’il y eut un lien hiérarchique entre le soldat, le sergent et la capitaine-lieutenant (plus tard capitaine puis major à Schorndorf), sans doute appartenaient-ils tous les trois à la même compagnie. Quelques mois plus tard, la fille du sergent Lemmer est baptisée à Schorndorf, qui était aussi le siège d’un haut-bailliage (Obervogtei) avec à sa tête le grand-bailli (Obervogt), le fameux Général et baron Friedrich Moser v.Filseck, Président du Conseil de Guerre du Wurtemberg, Lieutenant-Général et à ce titre Commandant de toutes les forteresses et de toutes les troupes du Wurtemberg, et cela depuis 1668. Voici les informations issues de cet acte de baptême :

Le 31 juillet 1669 a été baptisée en la paroisse protestante de Schorndorf (Wurtemberg) Véronique Sibylle, fille de Bartholomée Lemmer, sergent (Sergant) et d’Anne Barbe. Les trois parrains de l’enfant sont :
– Messire Frédéric Moser de Filseck et d’Eschenau, Lieutenant-Général et grand-bailli à Schorndorf (Herrn Friderich Moser von Filseckh uff Eschenaw, General Lieutenandt und Obervogt allhier)
– La dame et épouse du Général Moser, Dame Véronique Sibylle née de Witzleben (dessen Fraw Gemahlin, Fraw Veronica Sibylla, geboren von Witzleben)
– Josias Lutz, cellérier à Schorndorf (Josias Lutz, Keller alhier)

On s’aperçoit que le parrainage est prestigieux, ce qui était commun à cette époque, néanmoins ici le baron et la baronne sont parrains ensemble et l’on peut s’interroger sur un contact plus régulier que pouvait entretenir le général Moser avec le sergent Lemmer. Sur les autres actes de baptêmes où les Moser sont parrains, seul l’un des deux du couple parraine. Est-ce que cela se traduit par une grande confiance qu’avait le Général en son sergent Lemmer ? Cette grande confiance qui a pu désigner Lemmer comme responsable d’un détachement au château du Weitenburg, chargé de creuser pour la recherche de ce supposé trésor… Concernant le troisième et dernier parrain, le cellérier Lutz était également un administrateur important de la ville, lui ou sa femme apparaissent très souvent lors des parrainages.

Concernant Schorndorf, la ville disposait d’un château-forteresse qui avait survécu aux flammes lors de la Guerre de Trente-Ans. Le Général Moser, déjà cité dans le texte de Quirinus v.Höhnstett au sujet de l’assaut du château de Weitenburg, était donc également grand-bailli à Schorndorf, et cela depuis 1668 (tout comme à Waiblingen et Winenden). Il est donc possible que Bartholomée Lemmer ait participé à l’assaut du château, puis y soit resté en poste, jusqu’en 1670. Néanmoins, il n’est pas sûr que les 3000 hommes du Lieutenant-Général Moser, dont parle le témoignage de Höhnstett, soient vraiment arrivés à destination au Weitenburg, et peut-être que le sergent ne faisait non plus partie des 500 premiers fantassins. La fille de Bartholomée Lemmer décédera quelques mois plus tard, nous indiquant encore quelques précisions sur son père :

Le 14 novembre 1669 a été inhumée à Schorndorf (Wurtemberg) Véronique Sibylle, âgée de 3 mois et 12 jours (décédée le 12 novembre 1669), fille de Bartholomée Lemmer, sergent à la garnison de Schorndorf (Bartholomaeus Lemmer, Serganten bey der Guarnison allhier).

La présence de Bartholomée Lemmer au moment du décès de sa fille est presque certaine, comme il est indiqué (toujours) en garnison à Schorndorf le jour de l’inhumation, en novembre 1669. Etant donné que la prise du château de Weitenburg a été effectuée avant le 9 octobre 1669, donc avant cet acte de décès, et si on suppose que le sergent Lemmer a toujours été en garnison à Schorndorf et n’ait pas fait d’allers-retours entre Weitenburg et Schorndorf entre octobre et novembre, il a sans doute dû se rendre au Weitenburg postérieurement à sa prise et sa mise à sac, missionné par le Général Moser ou par le Duc Eberhard de Wurtemberg lui-même. Un autre soldat est cité au Weitenburg, il s’agit du caporal Grascuntz, dans le document du 9 octobre 1669 indiquant la mise à sac récente du château, et qui doit repartir depuis Herrenberg au Weitenburg (« weil selbiger es nit selbst lifern können, dann er jetzo uf Weittenburg wider ablösen muessen », écrit le bailli de Herrenberg Johann Konrad Klemm).

ForteresseHohenAsperg
La fosse telle qu’elle aurait pu être en juin 1670 lorsque le sergent Lemmer procède aux fouilles près du Weitenburg

Un peu plus tard décède le Général Moser, voici la transcription de son acte de décès, le 20 mai 1671 à Schorndorf :

Den 20. May [1671] Morgens zwischen 10. und 11. Uhr ist der Frey Reichs Hochedelgeborne Herr, Herr Friderich Moser von Filseckh uff Eschenaw, Ihro fürstliche Durchlaucht in Württemberg General-Lieutenant, Kriegsrhatspraesident, Obrister zu Fuss, Ober-Commendant über dero Vestungen und Völcker, auch Obervogt über Schorndorf, Waiblingen und Winenden, und deren Ämpter, ein sehr Gottseliger frommer Herr, nach getuhrtem Schlagfluss und darüber in die 4.Wochen lang ausgestandener beschwehrlicher Krankhheit, seines Alters 65.Jahr, 2. Monat und 4.Tag in seinem Sessel sitzend in Christo Jesu sancto und selig eingeschlaffen; und darauf den 29ten ejusdem dessen Leichnam unter rännigliches Wehrklagen mit hochadelischen Ritterlichen Ceremonien in die Kirchen alhir beygesetzet worden.

On voit que le Général possédait toujours encore un régiment d’infanterie duquel il était le colonel (Obrister zu Fuss). D’ailleurs, officieusement, le Général-en-chef de l’armée avait un corps d’armée qui lui était dédié et cela depuis 1655, ce statut n’est officialisé qu’à partir de 1691. Ainsi Bartholomée Lemmer faisait sans doute partie du corps d’armée spécial du Général Moser. Quand Lemmer parle d’un colonel dans le texte parlant du trésor, parle-t-il en fait de Friedrich Moser ? Ou d’un autre colonel, par exemple Quirinus v.Höhnstett, à ce moment-là ? Il semblerait que ce fut plutôt le colonel Quirinus v.Höhnstett.

Mais le plus étonnant reste à venir, avec un retour à la vie civile (provisoire) pour le sergent Bartholomée Lemmer. Voici le baptême de sa seconde fille avec ce prénom de Véronique Sibylle.

Le 26 décembre 1671 a été baptisée en la paroisse protestante de Schorndorf (Wurtemberg) Véronique Sibylle, fille de Bartholomée Lemmer, ferblantier (Spengler) et d’Anne Barbe. Les trois parrains de l’enfant sont :
– Alexandre Reinhardt, sous-bailli, représenté par son fils Henri Albert Reinhardt, étudiant en licence (Alexander Reinhardt, Under-Vogt, an dessen statt sein Sohn, Heinrich Albrecht Reinhardt Lic. Studiosus)
– Josias Lutz, cellérier (Josias Lutz, Keller)
– Anne Sibylle, épouse du Magister Thomas Hopffer, pasteur spécial [à Schorndorf] (Anna Sibylla M. Thomas Hopffers, Specialis uxor)

C’est la dernière citation de Bartholomée Lemmer ou de son épouse dans le registre paroissial de Schorndorf. On le retrouve ensuite à Markgroningen où sa fille Véronique Sibylle décède le 18 mai 1673. Il y est cette fois à nouveau sergent « en quartier ».

Le 19 octobre 1675, son épouse Anne Barbe est marraine d’un enfant baptisé dans le village voisin de Hohenasperg, où il y avait une forteresse militarisée. Bartholomée Lemmer a été promu et est cette fois indiqué Herr Wachtmeister, un grade plus élevé (sergent-chef), et une stature sociale plus importante (Herr). Les époux seront souvent parrain et marraine (07.11.1675, 10.03.1676, 23.02.1677, 09.05.1677*, 03.04.1679, 27.07.1679, 08.05.1680, 07.08.1680, 03.08.1681, 22.01.1682). Le baptême du 9 mai 1677 est intéressant au plus haut point, car Bartholomée Lemmer représente le Duc de Württemberg, qui n’a pu être présent, au parrainage de l’enfant (« Au nom de son Altesse Sérénissime, Bartholomée Lemmer Wachtmeister ») : le lien entre la famille princière et le sergent Lemmer demeure solide, malgré les sept années passées depuis les fouilles au Weitenburg.

ForteresseHohenAsperg
Croquis de la forteresse d’Hohenasperg, dessin de Matthias Weickler, 1669. (Landesarchiv BW, HStAS N 200 P 44)

Par la suite, l’une de ses filles, Anne Marguerite, se marie à Böckingen, à côté d’Heilbronn, le 16 février 1693. A cette date son père Bartholomée Lemmer, déjà décédé, était en dernier lieu Wachtmeister in Hohenasperg. Il est donc probablement décédé à Asperg vers 1683, malheureusement les registres de sépultures y sont inexistants avant 1693.

Parcours de Bartholomée Lemmer

– vers 1638 : natif d’Ilmenau (en Thuringe)
– 1660-1663 : Ferblantier à Mundelsheim
(? – 1664-1665 : soldat, fantassin dans le 2e régiment d’infanterie du district souabe – Guerre contre les Turcs en Hongrie
– 1665 : promu sergent dans la garde du corps à pied du prince de Wurtemberg
– 1665-1669 : sergent dans la garde du corps à pied du prince de Wurtemberg ?)
– 1669 : Sergent à Schorndorf
– 1670 : Sergent au Weitenburg, homme de confiance du prince Eberhard de Wurtemberg (1628-74), responsable des fouilles pour la recherche du trésor enterré depuis fort longtemps
– 1671 : Ferblantier à Schorndorf
– 1673 : Sergent à Markgröningen
– 1675-1682 : Sergent-chef (Wachtmeister) au Hohenasperg, toujours proche de la famille princière (1677)
– vers 1683 : il décède au Hohenasperg comme sergent-chef


Jean Koenigolt, maître sourcier

Maître-fontainier ordinaire de l’Évêché de Strasbourg (1628-1636)
Inventeur de la crypte secrète près du château du Haut-Barr (ca.1633)

Maître Jean Koenigolt ( Kingold /  Kinigold / Kinigolt / Königolt / Künigolt ) serait natif de Masevaux. Aucun nom Koenigolt(etc.) n’y a été trouvé dans le registre paroissial et son origine précise reste à étudier. En attendant, nous admettrons qu’il serait né dans la vallée de Masevaux. Il est le maître-fontainier ordinaire de l’Évêché de Strasbourg et depuis mai 1628 au moins il officie aux sources de Soultzmatt (Mundat, terres de l’Évêché de Strasbourg) fraîchement découvertes en juin 1614 par Bartholomée Gross. On l’y trouve comme “gardien des sources aigrelettes” (custos nostrarum acidularum) ou encore “maître-fontainier” (Brunnenmeister), peu après le décès du Maître Michel Benck (21 mai 1625), spécialement débarqué en 1614 du comté d’Egloff, près du lac de Constance, par l’évêque de Strasbourg et archiduc Léopold d’Autriche.

De Re MetallicaExtrait de la bible des métallurgistes  “De Re-Metallica”, de Georgius Agricola (1556). On y voit des sourciers utiliser leurs baguettes afin de localiser les minerais.

Après le décès de sa supposée précédente épouse Marie Bertram le 18 mars 1627 à Soultzmatt (1), Koenigolt s’y marie le 8 mai 1628 avec Catherine Meyer, originaire de la vallée de Saint-Amarin, en présence des témoins Bartholomée Gross (l’inventeur de la première source de Soultzmatt), domestique des barons de Breiten-Landenberg, ainsi que de Michel Walch, gardien et sacristain de l’église St-Sébastien de Soultzmatt. Le baron Melchior Antoine de Breiten-Landenberg, avait épousé le 12 septembre 1618 Marie Ursule Catherine, fille du conseiller (et ancien chambellan) épiscopal à Saverne, le baron Christophe de Wangen et de Geroldseck aux Vosges (ca.1560-1646). Ainsi, Jean Königolt aurait-il déjà entendu parler d’un souterrain près du Haut-Barr lors de son passage à Soultzmatt ?

Dans l’ouvrage du médecin Dr.Schenck (2), il est fait mention de la première source découverte par Bartholomée Gross, ainsi que des quatre autres sources détectées puis captées dans des puits par le maître-fontainier Michel Benck entre 1614 et 1617, portant au nombre de cinq les sources d’eau de Soultzmatt citées dans cet ouvrage. Ce dernier était le fontainier ordinaire de l’évêque de Strasbourg, établi à Soultzmatt. Il a également retrouvé la source perdue du château de Weckenthal près de Berrwiller (3) ainsi que celle du puits du château de Thann (4). Cela montre bien le talent du sourcier ordinaire de l’évêque. C’est le meilleur et à sa mort, l’administration de l’évêché devait le remplacer par un sourcier tout aussi talentueux, qu’il sembla trouver en la personne de Christophe Flieger (juillet 1625). Mais il n’a pas dû rester très longtemps, remplacé lui-même assez rapidement par Jean Koenigolt (5).

SoultzmattExtrait du livre de Schenck (1617) Avec les cinq sources alors déterminées. En-haut à gauche, la première source trouvée par Bartholomée Gross

Ainsi, Jean Koenigolt pourrait être l’auteur de la découverte de la sixième et dernière source de Soultzmatt dite Kupferwasser, mentionnée pour la première fois dans la dissertation de Guérin (1769) (6). En 1628, avec de gros moyens, il aide également la proche ville de Guebwiller, en leur fournissant la tuyauterie nécessaire (361 pièces) pour l’acheminement de l’eau dans les fontaines de la ville (7). On trouve encore mention de Maître Jean à Soultzmatt en décembre 1629, à l’occasion du baptême de son fils Nicolas, puis il fuit le village à cause de la guerre de Trente Ans vers 1631 (8).

Des travaux de rétablissement des voies souterraines, amenant les eaux à la ville épiscopale de Saverne, sont entrepris, à partir d’environ 1631, par Maître Jean Koenigolt (9)(10), toujours missionné par les administrateurs de l’Évêché de Strasbourg. Il est également indiqué bourgeois de Saverne dès 1633. C’est lors de ces travaux de rénovation qu’il arpente, avec ses outils de sourcier, l’ensemble des réseaux souterrains, peut-être et sans doute dans l’espoir de découvrir une nouvelle source d’eau, se rappelant ce qu’il s’était produit à Soultzmatt dans les années 1610, et peut-être encore après.

Mais c’est bien un autre genre de réseau souterrain qu’il va découvrir, un réseau construit par l’homme et non pas par la nature. C’est vers 1633 qu’il cherche et trouve l’entrée du souterrain au château du Grand-Geroldseck, qu’il va l’emprunter et y découvrir une crypte circulaire, au niveau du Haut-Barr, renfermant des objets de toute sorte, notamment plusieurs niches avec des portières en cuivre, fermées à clé, une corne à boire ainsi que plusieurs ballotins suspendus. Maître Jean atteste et témoigne qu’avant l’invasion suédoise, il a fait serment à M. le Chancelier et aux conseillers du Grand Chapitre de Strasbourg, pour ce lieu ou souterrain dans lequel il s’était personnellement rendu seul, qui conservait un grand trésor, de ne le révéler à personne – sauf à l’article de la mort (11). Ensuite, les événements guerriers se précipitèrent et il dut fuir la ville de Saverne aux alentours de l’automne 1636.

Maître Jean, réfugié dans la Confédération Helvétique, fut ensuite au service de la ville thermale de Baden (Argovie, Suisse), à l’occasion de travaux miniers et de la construction d’une fortification dans cette ville (1637-1642) (12). Sans doute utilisait-il également ses facultés pour trouver et extraire des minerais. C’est là qu’il finit ses jours en août 1642, non sans avoir révélé trois jours auparavant, certes de manière confuse, l’ensemble des réseaux souterrains qu’il a pu arpenter, du dessus, comme du dessous, aux alentours de Saverne et du Haut-Barr, et contenant la crypte secrète.

DerBergmann

Le mineur : extrait de “Das Ständebuch”, Jost Ammann (1568). 

Suite à ces révélations, des fouilles ont alors été entreprises par l’évêque de Strasbourg Léopold-Guillaume de Habsbourg, dans les années 1650’s et le début des années 1660’s lorsque la guerre de Trente-Ans fut terminée et le climat redevenu un peu plus calme. Mais après les ravages de la guerre, le secrétaire Jean Reinecker, chargé des fouilles, écrivit qu’il était devenu impossible de trouver un sourcier, un mineur suffisamment compétent (et disponible) pour procéder à une localisation des différents souterrains. A la mort de l’évêque, son successeur ne poursuivit pas ces opérations, trop fastidieuses sans localisation précise. Aujourd’hui, nous avons à nos côtés M. Albert Fagioli, qui dispose d’un véritable don pour effectuer ces localisations souterraines. Les conditions sont désormais très avantageuses, mais la science a mis au rebut les dons extra-sensoriels. Les équipes archéologiques professionnelles vont-elles enfin vouloir élargir le spectre des possibles et rendre aux maîtres-sourciers la place qui leur est destinée ?

 

(1) RPC Soultzmatt, Registre des actes de décès : “Decimo octavo [18 mars 1627] des Brunnen Meysters Hausfrauw Maria Bertram”. L’acte de décès indique que le mari de la défunte Marie Bertram était le maître-fontainier de Soultzmatt. Comme le nom manque, il pourrait également s’agir de l’épouse du précédent maître-fontainier, celui qui a été choisi en remplacement de Michel Benck fin juillet 1625 : Christophe Flieger.

(2) Johann Georg Schenck : Salivallis Acetosella mineralis nova seu vena vitae salutifera. Basel, 1617. Traité médical des sources des Soultzmatt, qui contient aussi l’historique de la découverte et du captage des cinq sources sur les trois dernières années.

(3) J. Dietrich : Le Chateau de Weckenthal in Bulletin de la Société belfortaine d’émulation, 1873 : “Au nombre de ces travaux, nous citerons la reconstruction de la fontaine. Le fontainier Michel Benck reçoit une gratification d’un florin 9 batz pour avoir cherché et retrouvé, à l’aide de la verge magique, la source perdue”.

(4) Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, Berger-Levrault, Strasbourg, 1862. Page 34 : “En 1621, l’archiduc Léopold d’Autriche y fit établir, par son fontainier ordinaire (unser brunnen meister), Michel Benck de Soultzmatt, le puits qu’on vient de remettre au jour. »

(5) Denis Ingold : Un mineur de Steinbach “maître des eaux minérales de Soultzmatt” en 1625 in Annuaire de la Société d’Histoire des régions de Thann-Guebwiller, Tome XX, 2000-2003. La Régence d’Ensisheim reçut l’ordre du souverain de s’adresser aux responsables des mines de Giromagny, de Sainte-Marie-aux-Mines et d’ailleurs pour trouver une “personne qualifiée”, soit un mineur qui s’y connaisse en captage et traitement de l’eau. Selon l’auteur, c’est Christophe Flieger, du secteur minier de Giromagny, qui a été choisi (référence citée : AA-Colmar, 1 C (Régence d’Ensisheim) 375 (lettre de l’archiduc et réponses, 1625).

(6) François Antoine Guérin : Fontibus medicatis Alsatiae. Strasbourg, 1769. Dissertation sur les sources médicinales en Alsace. L’auteur indique que la source Kupferwasser est la plus jeune source découverte à Soultzmatt, et qu’elle ne figure pas dans l’ouvrage de Schenck de 1617, sans préciser pour autant des détails sur le moment de sa découverte. Qui l’a découverte ? Michel Benck ? Christophe Flieger ? Jean Koenigolt ? un autre maître-sourcier ?

(7) Charles Wetterwald : Die alten Brunnen in Gebweiler in Elsassland, Guebwiller, 1933. “Im Jahr 1628 verdingt der Drichelborer Hans Kingolf 361 Stück ebenfalls zu je 2 Schilling.” En 1628, Hans Kingold vendit 361 tuyaux en bois à 2 Schilling/pièce à la ville de Guebwiller, soit tout de même pour une somme conséquente de 72,2 florins. Il n’est pas évident de savoir d’où il pouvait avoir un tel stock de pièces, si ce n’est peut-être dans le matériel des sources de Soultzmatt.

(8) C’est vers fin novembre 1631, que le registre paroissial de Soultzmatt ne semble plus alimenté en nouveaux sacrements. C’est aussi cette année-là qu’on aurait pu y trouver le baptême du deuxième enfant de Jean Koenigolt et Catherine Meyer

(9) Dagobert Fischer : Notice historique sur le Château du Haut-Barr près de Saverne. Saverne : Mosbach, 1927.

(10) Archives du Bas-Rhin : Inventaire analytique du fonds de la régence épiscopale de Saverne 1 G 1-1130 (1286-1789), 1978. L’inventaire cite l’item 1 G 101 pour les fontaines de Saverne (période 1631-1632) et l’item 1 G 102 pour le fontainier de Saverne (1634).

(11) AA-Sbg, 100 J 125 : Attestation du Maître Jean Koenigolt

(12) AA-Sbg, G 981 : Dossier concernant les recherches relatives à la crypte et son trésor près du château du Haut-Barr, suite aux révélations de Jean Koenigolt sur son lit de mort. Le secrétaire épiscopal de Saverne, Jean Reinecker, l’y a fortuitement rencontré en 1637.

L’attestation de Koenigolt en 1642

Archives d’Alsace, Strasbourg – document coté 100 J 125

Ce document était initialement contenu dans un fonds privé et serait arrivé très récemment dans le fonds des Archives d’Alsace, site de Strasbourg (avant 1999, anciennes cotes : 166 J 25, puis 2000 W 4, cf. transcription page 4). D’après la qualité du papier, son usure, et la manière d’écrire de l’auteur, il est quasi-certain qu’il s’agit d’un texte écrit au 17e siècle. Le document est selon toute vraisemblance une copie d’un original, à cause du L.S. (Locus Sigilum) se trouvant en page trois, communément utilisé dans le cadre de l’établissement de copies d’originaux.

Il y aurait à retrouver le trajet, dans le temps, de ce document. Une première lecture de l’inventaire actuel du fond 166 J, nous met sur la piste du curé Alphonse ADAM, curé, chanoine honoraire, et historien de Saverne, car les pièces anciennement cotées 166 J 16 à 21 (très proches de l’ancienne cote 166 J 25), contiennent des indications d’ordre généalogique concernant deux familles portant le nom d’ADAM (l’une de Sélestat, l’autre de Toulouse mais originaire de Dorlisheim), sans lien avec la famille d’Alphonse ADAM, mais néanmoins la coïncidence est curieuse.

Beaucoup d’éléments portent à croire que ce document coté 100 J 125 devait initialement se trouver dans la liasse cotée G 981 (et se trouvant également aux Archives d’Alsace) et qu’il en a été retiré, avant de revenir aux Archives par un dépôt privé, donc avant 1999. La cote G 981 contient effectivement d’autres éléments relatifs aux fouilles commanditées par l’évêque de Strasbourg Léopold-Guillaume de Habsbourg sur la dernière partie de la période 1642-1660. Par ailleurs, des auteurs spécialistes du Haut-Barr, notamment Dagobert Fischer, cite bien l’ensemble des éléments de ce courrier (ainsi que l’année 1642), donc c’est qu’il avait forcément vu ce document, (son original, ou une autre copie bien-entendu), et que ce document aurait, entre les recherches de Dagobert Fischer et aujourd’hui, disparu des Archives avant d’y réapparaître bien plus tard, via un fonds privé.

Transcription du document 100 J 125
[Début de la transcription]

[page 1]

Attestation Des Maisters Hansen Königolts von Maßmünster Bergknep vndt Burger der Statt Elsass Zabern, welche Er mir Fr.(ater) Ciryllo Capuciner von Molzhaim, als seinem Beicht Vatters in articulo mortis in Oberen Baden den 16 Aug(ust) A(nn)o 1642 betreffen ein Orth vndt Gewelb under der Erden bey Zabern in welchem ein merckhlicher Schaz verborgen gethan, vndt ist wie folget, Erstlich attestirt vndt bezeuget obegmelter M.(eister) Hans daß Er vor dem Schwedischen Einfahl dem Herrn Canzler vndt Räthen des Hohen Stifft Strasburg ein Ofgehaben Eidt gethan, dass Orth od(er) Gewelb ihn welchen Er persohnlich, vndt allein gewesen, da ein grosser Schaz aufgehalten, niemandt /: als in articulo mortis : / seinem damahlen beicht Vatteren zu Öffenen, welches dan mir obangedeuten den 16. Aug(ust) beschehen, Vndt meldet daß zu Elsass Zabern in der Mitelstatt bey dem unden Schloss zwischen dem Ballenhaus vndt Pfull ungefahrlich 12 od(er) mehrer Clafter weith darvon entlegen sey, ein ordt under der Erdten bey 20 Clafter tief Schneckhenweis gebauen, alda man ihn der gemelten tieffen durch den Graben ihn den Herrn Garten kombt, da man ein Gewölb antrift, so in 6 Schuh weith, ihn welchem man sich gar wohl umbkehren khan, thuet dergleichen als wan es nach dem grossen thuren ihn dem Schloss leitete, fuhre doch ein zimbliches Stuckhs weges gegen dem Oberen Thor der Statt als dan wendet es sich widerumb, vndt kombt man geradt zu dem vier eckheten Thurn in dem underen Schloss. In dem Fundament des Thurms, findet man zwey zimliche Stein so das Gewulb beschliessen; von dannen gehet es über sich, vndt kombt man so weith under dem Boden an ein Orth, so nach Hohbar zeilet, da R.(everandus)

[page 2]

P.(ater) Didacus Barfusser von diesem ihn Zabern und Capellan auf Hohbar ihme selbsten seinen Nahmen in einen Felsen sambt der Jahr Zahl gehauen, so man aniezo dass R.(everandus) P.(ater) Didaci Grab /: weil ein Felsen da ist : / nehnen thuet, da zeigt es sich widerum hinaus, vndt kombt man gehen dem Dorf Heggen fast mittels des Schloss Wanggenburg /: auf Wanggenburg in dem Forhoff ist der aus- und eingang des Gewulbes : / als dan geradt durch den Berg nach Hohbar, da findet man wid(er)- umb zwey kleine Stein, vndt ist grundt bey 7 Clafter Saif da man dan aus vndt ein kan, ist lauther felsen so ihn gangs weis gehauen, vndt so weith dass 3 Mannen komlich neben einander gehen können, vndt fast in mitel des Gangs, ist dass Orth so wie ein runde kleine Capellen ausgehauen, darin es hanget oben in dem Gewelb ein grosses Einhorn ihn 5 Werkhschueh lang, hinden in der dickhen eines Kopf, forders an der Spizen wie ein WaltGlässlein, an einer grossen Guldenen Ketten an 3 Orthen angeheftet, die Er dan selbsten berürert. Es hangen auch ihn gemelten Gewulb noch auch viel Vnderschiedliche sachen so ballentweis in Tuecheingewickhlet, die Er nit besichtiget, die weil ihme die Zeit zu kurz, und mangel an Liechter umb zu Kehren gehabt. In gemelter Capellen hat Er 4 od(er) 5 in den Felsen gehauene Gewelblin oder Ganterin gesehen, von welchen Glockhen Speis Thurlin in 2 Schuh breith, vndt weil sey beschlossen kheines hat können öffenen, in disen Gömtelin vermeint Er Lauther Golt vndt Edelstein zu sein hat also widerumb umbkherdt in meinung in kurzes dahin zu khomben, vndt wass Er gesehen dem Herrn Johan Reinwaldten

[page 3]

fürstl.(lich) dhrt(durchlaucht) Erzherzogen Leopolti Secretario vndt Herrn Cardo Neirlingen Landtschreiberen ihn Zabern eroffert, die so sey bey leben bezeugen werden, dass obgemelter M.(eister) Hans ihn dem gewelb gewesten, vndt vor ihme, wie gemeltet alles gehört, vndt wan der Krieg nit wehre eingefallen, vndt Er vor Zaberen zuweichen gezwungen, wolte Er alles mit d(er) Gotteshilf herausgebracht haben, dieses alles hab ich wie auch Herr Christianus Mayer, als Er in mit dem Heyl(igen) Sacramenten verstehen, vndt noch 3 Tag geleben, aus seinem Mundt wie obstehet aufgeschrieben Datum Baden den 16 Aug(ust) A(nn)o 1642 ./. Fr.(ater) Ciryllus Capuc:(iner) De Molzhaim confess. testor hac mihi relata L.(ocus) S.(igilli) Joan Christian Meyer Lucern Coadjutor Baden testor ut supra

[page 4]

1642 [au crayon]
166 J 25 2000 W 4

[Fin de la transciption]

Traduction

[Début]
Attestation Du Maître Jean Königolt de Masevaux, mineur et bourgeois de la ville de Saverne, qu’il donna à moi, Frère Cyrille, capucin de Molsheim, en tant que son confesseur, à l’article de la mort, à Ober Baden [Baden, en Argovie, Suisse] le 16 août de l’an 1642 concernant un lieu et une voute sous terre près de Saverne dans lequel fut caché un remarquable trésor, et se présente comme suit, Tout d’abord, le précité Maître Jean atteste et témoigne qu’avant l’invasion suédoise, il a fait serment à M. le Chancelier et aux conseillers du Grand Chapitre de Strasbourg, pour ce lieu ou souterrain dans lequel il s’était personnellement rendu seul, qui conservait un grand trésor, de ne le révéler à personne – sauf à l’article de la mort – à son confesseur et c’est ce qui s’est ainsi passé avec moi le 16 août, Et rapporte qu’à Saverne dans le centre ville, près du château-bas entre le jeu-de-paume et la mare, à 12 toises ou plus de là, il existe un endroit sous terre d’une profondeur de 20 toises environ construit en colimaçon, lorsque l’on descend la dite profondeur du fossé, on arrive au niveau des jardins seigneuriaux où l’on rencontre un souterrain de 6 pieds de large, dans lequel on peut facilement se retourner, on se retourne et on fait comme si on entrait par la grande porte du château, cela conduit à un endroit assez éloigné jusqu’au niveau la Porte-Haute de la ville puis cela bifurque et on arrive directement au niveau de la Tour Carrée du château-bas. Dans les fondations de la Tour, on trouve deux pierres qui ferment le souterrain; on les retire et on se dirige ainsi loin sous le sol en direction d’un lieu qui amènera ensuite au Haut-Barr, là où le Révérend Père Didacus, franciscain à Saverne et chapelain du Haut-Barr, a sculpté lui-même son nom sur un rocher avec le millésime, de telle sorte qu’on appelle maintenant cet endroit – parce qu’il y a là un rocher – le tombeau du Révérend Père Didacus, là cela remonte et on arrive vers le village de Haegen presque au milieu du château de Wangenburg [Grand-Geroldseck] – dans la cour du Wangenburg [Grand-Geroldseck] se trouve l’entrée et la sortie du souterrain – puis de là tout droit à travers la montagne jusqu’au Haut- Barr, là on y trouve encore deux petites pierres, et il y a de la terre près de 7 toises de fossé d’où l’on peut sortir et entrer, l’allée est taillée dans le roc et si large que 3 personnes peuvent marcher côte-à côte, et presque au milieu de l’allée, il y a comme une petite chapelle ronde creusée, dans laquelle il pend au sommet une grande corne de licorne de 5 pieds de long et grosse comme une tête, devant à la pointe un verre à boire, le tout fixé par une grande chaîne en or à 3 endroits, qu’il toucha ensuite lui-même, à cet endroit sont encore accrochées beaucoup d’autres choses, par exemple des ballotins enveloppés dans du tissu, qu’il n’a pas pu découvrir car il avait le temps trop court et par manque de lumière il dût rebrousser chemin. Dans ladite chapelle il a vu 4 ou 5 petites voûtes taillées dans la roche ou encore des meubles en niche avec des portières faites en alliage de cloche [le matériau] de 2 pieds de large et comme elles étaient fermées à clé il n’a pas pu les ouvrir, il pense qu’il y avait là de l’or et des pierres précieuses, il a rebroussé chemin pensant alors pouvoir rapidement revenir par la suite. Ce qu’il a vu, il l’a établi à Messire Jean Reinwald, secrétaire de son Altesse Sérénissime princière l’Archiduc Léopold et à Messire Charles Neirlingen receveur épiscopal à Saverne, qui sont vivants et pourront témoigner, que Maître Jean était dans le souterrain, tel que rapporté à eux, et que si la guerre n’avait pas éclaté et l’obligé à fuir de Saverne, il aurait, avec l’aide de Dieu, fait sortir tout cela. Tout ceci j’ai, ainsi que M. Christian Mayer, lorsqu’il était avec lui pour les Saints Sacrements et 3 jours avant sa mort, de sa bouche comme il est écrit cidessus, entendu. A Baden le 16 août de l’année 1642 ./.

Frère Cyrille Capucin de Molsheim, confesseur et témoin de ce qui m’a été rapporté
[L.S. = emplacement du sceau]
Jean Chrétien Meyer Lucerne, coadjuteur à Baden, témoin comme ci-dessus

[Fin]